
CRAWLSPACE •PUSRSUIT• PEOPLE NEXT DOOR
LE DEFIT !
Un vibrant hommage à un maître et à ses gardiens !
RECONSTRUCTION...
3 SCORES INÉDITS DE JERRY GOLDSMITH
"Parce qu’un grand score ne meurt jamais, Il attend simplement qu’on lui redonne vie.
Reconstruire des scores uniques, rares, disparus des radars depuis trop longtemps, c’est bien plus qu’un simple travail technique : c’est un acte d’amour, de mémoire et de création. Grâce à l’engagement passionné de Leigh Phillips, de son équipe aux Smecky Studios, des musiciens, des ingénieurs du son et de tous ceux qui ont œuvré dans l’ombre, nous pouvons enfin redécouvrir ces œuvres dans leur vérité artistique la plus pure.
Ces partitions, que beaucoup connaissaient autrefois en ayant visionné les films, reprennent vie avec une intensité et une justesse bouleversantes.
Chaque note retrouvée, chaque silence restitué, révèle le génie intemporel de Jerry Goldsmith, un compositeur qui ne se contentait jamais de suivre les modes, mais forgeait des territoires émotionnels inexplorés, alliant rigueur, inventivité et humanité.
Cette réhabilitation sonore n’est pas qu’une restitution : c’est une renaissance. Elle offre à Pursuit, Crawlspace, et The People next door, une place définitive dans la discographie de Goldsmith, à la hauteur de leur éclat singulier. À travers ce travail d’orfèvre, la musique retrouve sa puissance originelle, nous rappelant à quel point Goldsmith fut un maître absolu, capable d’évoquer l’angoisse, la nostalgie, la tension et la douceur avec une rare subtilité.
À Jerry Goldsmith, disparu en 2004, nous adressons cette révérence ultime : vous seriez fier, Maestro, de voir votre œuvre ainsi honorée, magnifiée et célébrée. Et à Leigh Phillips et toute son équipe, un immense merci pour cette incroyable résurrection, qui permet aujourd’hui à tous les mélomanes, cinéphiles et passionnés de musique de film, de s’immerger pleinement dans ces chefs-d’œuvre redécouverts.
PHOTOS FILMS - All rights reserved © 1970


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The People Next Door :
Un drame domestique façonné par Jerry Goldsmith

Réalisé par David Greene en 1970, The People Next Door n’est pas un chef-d'œuvre au sens académique, mais il s’impose comme une œuvre lucide et crue sur la désagrégation familiale face à un fléau alors tabou : la toxicomanie chez les jeunes. Centré sur la lente et tragique dérive d’une adolescente, Maxie, le téléfilm développe un huis clos chargé de tensions, où les dialogues et les silences pèsent autant que les regards. C’est un théâtre familial où l’incompréhension se creuse entre générations, entre façade bourgeoise et angoisses souterraines.
Mais là où l’image pourrait s’essouffler dans la démonstration, la musique de Jerry Goldsmith vient infuser, révéler, déséquilibrer et finalement transcender la matière dramatique du film.
Jerry Goldsmith : un score de l’ombre et de la douleur
Confier un sujet aussi psychologiquement dense à Jerry Goldsmith est en soi un choix audacieux. Compositeur de la modernité, toujours à l’affût d’expérimentations sonores, Goldsmith aborde The People Next Door non pas comme un simple drame, mais comme un territoire à sonder, où chaque note devient symptôme ou cicatrice.
Il travaille sur deux plans émotionnels :
La fragilité de Maxie, jeune fille en déshérence, est traduite par un thème principal mélancolique et dépouillé . Ce thème, confié à une trompette solo aux accents douloureusement introspectifs, n’est pas sans rappeler celui de Chinatown (1974). Ce parallèle thématique est saisissant : même ligne mélodique, même solitude de l’instrument, même dérive psychologique, comme si Goldsmith plantait ici la première graine d’un motif qui le hantera encore quatre ans plus tard.
Les tensions père-fille incarnées par la figure paternelle d'Arthur, sont traitées avec une écriture plus anguleuse, plus rugueuse : percussions sèches, rythmiques étouffantes, contrebasse traînante, et par moments des effets jazzy désarticulés qui traduisent l’inconfort et l’escalade de la violence contenue
Une partition dramatique, mais jamais plaintive
Ce qui distingue The People Next Door des drames familiaux traditionnels, c’est que sa musique refuse le mélodrame. Elle creuse la dissonance, cherche la faille, souvent à la frontière de l’abstraction. Certains morceaux comme STP Overdose, utilisent des techniques d’atonalité, des textures presque industrielles, des glissements de timbre qui rappellent les expérimentations sonores de Planet of the Apes (1968). On y retrouve cette même volonté de représenter l’aliénation par des procédés de fragmentation musicale.
Goldsmith introduit même des éléments baroques, l’usage discret mais signifiant du clavecin, par exemple, qui suggèrent une forme de perte de repères temporels, comme si le personnage de Maxie oscillait entre présent instable et souvenirs déformés. Le passé, représenté musicalement par des bribes plus romantiques et légères, se heurte aux grondements dissonants du présent.
Thèmes en germe et déplacements stylistiques
Ce téléfilm est aussi un point d’inflexion dans le style de Goldsmith. Il explore ici plusieurs idées qui fleuriront dans des œuvres plus connues :
Le thème A Father’s Rage, par exemple, embryon d’un motif rythmique que l’on retrouvera développé dans City Hall (1996), témoigne de la façon dont Goldsmith pense sa musique par vagues stylistiques successives.
Certains morceaux nous rappellent la construction dramatique de The Illustrated Man (1969) (Sleepless Night & The Stethoscope) ou de The Detective ou Sebastian (1968) (The stash), avec cette même fusion de pulsation rythmique et instabilité harmonique.
Dans sa partition pour The People Next Door (1970), Jerry Goldsmith livre une œuvre audacieuse et profondément intuitive, marquée par un équilibre subtil entre structure rigoureuse et liberté formelle. On y découvre une atmosphère à la fois mystérieuse et pesante, marquée par une écriture orchestrale audacieuse et des expérimentations jazz aussi subtiles que troublantes. Le morceau "The East Village" illustre à merveille cette tension entre ordre et chaos, entre le visible et l’invisible. Il s’en dégage une atmosphère épaisse, urbaine, saturée d’angoisse, mais toujours traversée par une intelligence musicale qui refuse les facilités.
Goldsmith y travaille à la frontière du jazz, de la musique contemporaine et de l’expérimentation sonore. Il ne se contente pas d’illustrer l’image, il l’interroge. Il explore une écriture musicale complexe dans laquelle chaque instrument, guitare électrique, contrebasse, batterie aux balais, clavecin angoissant, piano martelé, trompette bouchée et saxophone semble exister à la fois comme voix autonome et comme élément d’un tout plus vaste. Ce foisonnement de timbres sert une recherche de texture, d’espace, de perception.
On sent chez Goldsmith une volonté délibérée d’utiliser la musique comme un langage parallèle à l’image, un langage qui ne double pas le récit, mais qui en révèle les strates cachées.
La musique devient ici un vecteur de sensations et de perceptions que l’image seule ne parvient pas à faire émerger. Elle agit de manière cérébrale, presque subliminale : ce que nous entendons résonne en nous sans que nous puissions toujours l’analyser, mais cela transforme notre rapport à la scène. Goldsmith crée un va-et-vient constant entre le palpable (le visuel, le dialogue, le cadre) et l’impalpable (l’émotion diffuse, l’ambiance trouble, le non-dit psychologique). C’est précisément là que la musique de film trouve toute sa puissance : lorsqu’elle opère sous la surface, comme une force invisible mais déterminante.
The People Next Door est un film qui se prête particulièrement bien à ce type d’approche, avec ses zones d’ombre psychologique, ses tensions familiales larvées, et son ancrage social dans une Amérique urbaine en mutation. Goldsmith s’empare de cette matière pour y injecter une musicalité complexe, parfois abrasive, qui témoigne de son envie de se distinguer de ses contemporains. Là où d’autres auraient cédé à l’illustration fonctionnelle ou au commentaire musical, lui choisit l’invention, l’expérimentation, le risque.
Il faut souligner à quel point Jerry Goldsmith, à cette époque, est sans doute le compositeur hollywoodien le plus en avance sur son temps. Ingénieux orchestrateur, fin connaisseur des instruments et de leurs capacités expressives, il pense la musique de film comme un art à part entière, un espace de liberté créative à l’intérieur de contraintes très strictes. Il teste des idées, cherche des équilibres inédits, ose l’inhabituel.
On retrouve dans The East Village des prémices de ses travaux ultérieurs sur Sébsatian, The Brotherhood of the Bell et The Last Run aussi, notamment dans son usage de textures fragmentées, de motifs rythmiques obsédants, de dialogues instrumentaux décentrés.
Son approche n’est jamais gratuite : chaque geste musical semble naître d’une nécessité dramaturgique intime, d’une volonté de dire ce que l’image tait. En cela, Goldsmith ne fait pas de musique de surface, mais bien une musique de profondeur, capable de dialoguer avec l’invisible et de révéler les couches secrètes du récit.
Pourquoi ce score a-t-il été oublié ?
Le paradoxe est cruel : alors même que la musique de Goldsmith donne au téléfilm sa plus grande profondeur, elle est restée dans l’ombre. Non éditée, rarement citée, elle n’a été reconnue que par les auditeurs les plus attentifs. Et pourtant, ce travail est fondamental : il cristallise l’approche musicale de Goldsmith dans les années 70, cette volonté de rompre avec l’harmonie convenue, de tordre les formes, d’incarner le drame autrement que par la simple mélodie triste.
Ce score mérite d’être revisité et surtout, d’être écouté avec attention : non pas comme un simple accompagnement, mais comme un personnage musical à part entière, une voix intérieure qui dit ce que les personnages ne peuvent pas toujours exprimer.
Conclusion : un téléfilm modeste, une musique d'impact !
The People Next Door n’a pas marqué l’histoire du cinéma ou de la télévision par son scénario, mais par la puissance de sa musique. Grâce à Jerry Goldsmith, ce téléfilm devient bien plus qu’un simple drame : un terrain d’expérimentation, un manifeste discret de ce que peut être la musique de film quand elle ne cherche pas spécialement à briller, mais à révéler surtout !
Dans ce récit psychologique, Jerry Goldsmith accompagne le récit et donne forme à la douleur, la structure de malaise, sculpte le silence. À travers cette œuvre aujourd’hui oubliée, il trace en creux une passerelle entre l’isolement d’une jeune fille perdue et l’émergence d’un style musical qui marquera profondément les bandes originales des années 1970.
Et pour que cette musique oubliée ressurgisse enfin de l’ombre, nous ne remercierons jamais assez Leigh Phillips, qui a eu l'excellente idée d’inclure cette partition dans la reconstruction méticuleuse de deux autres scores des débuts des années 70. Son travail, d’une remarquable justesse, redonne à cette œuvre toute sa valeur dramatique et musicale. En réunissant ces pièces dans un même élan de restauration, Leigh offre à l’écoute contemporaine l’accès à une période fondatrice de l’art de Goldsmith, faite d’expérimentation, de tension maîtrisée, et d’une profonde humanité sonore.
Merci Leigh !
SUITE _ PURSUIT...
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Crawlspace
L’introspection sonore à l’état pur !

Parmi les téléfilms des années 1970, Crawlspace de Buzz Kulik émerge comme une perle rare, longtemps inaccessible en édition CD. Ce n’est que grâce au travail minutieux de Leigh Phillips, qui a redonné vie à cette partition, que nous pouvons enfin apprécier pleinement la musique de Jerry Goldsmith. Cette initiative mérite d’être saluée, car elle permet de redécouvrir une œuvre musicale d’une grande portée.
Un huis clos psychologique illuminé
par la musique de Jerry Goldsmith
Le Pitch - Dans une petite ville de Nouvelle-Angleterre, Albert et Alice Graves, un couple de retraités sans enfants, mènent une vie paisible et routinière. Un jour, ils font la rencontre inattendue d’un jeune homme réservé, Richard Atlee, venu réparer leur chaudière.
Rapidement, ils découvrent que le garçon, sans domicile fixe, s’est installé clandestinement dans le vide sanitaire , le crawlspace de leur maison.
Plutôt que de l’expulser, Albert et Alice décident de l’accueillir avec bienveillance, touchés par sa vulnérabilité. Ce geste altruiste se mue peu à peu en tentative inconsciente de remplir le vide laissé par l’absence d’enfant. Mais cette relation, fondée sur un équilibre fragile, commence à se fissurer. Le comportement de Richard devient de plus en plus instable, oscillant entre mutisme, dépendance affective et repli paranoïaque. Ce jeune homme énigmatique, à la fois attachant et inquiétant, transforme peu à peu l’intérieur rassurant des Graves en espace mental troublé, où la compassion se heurte à la peur.
Le film, tout en subtilité, dépeint un glissement émotionnel lent mais implacable, où les certitudes s’effondrent et où l'intimité devient un terrain miné. Loin des codes du thriller spectaculaire, Crawlspace s’inscrit dans une veine plus intimiste, presque théâtrale, où le danger ne vient pas de l’extérieur, mais du lien humain lui-même.
Et c’est précisément là que la musique de Jerry Goldsmith joue un rôle fondamental.
La partition de Goldsmith : une œuvre d’introspection
La musique de Jerry Goldsmith pour Crawlspace est une composition subtile et émotive, réalisée avec un orchestre restreint mais d’une puissance émotionnelle immédiate. Le générique d’ouverture plonge directement le spectateur dans l’univers du film, avec une écriture qui évoque la nostalgie du thème du film The Last Run. L’utilisation du clavecin, instrument noble et baroque, crée un contraste avec l’image classique, renforçant l’atmosphère de mélancolie et de tension.
Goldsmith opte pour une écriture épurée, où chaque instrument joue un rôle précis : un regard, un frisson, un silence, une larme. La flûte traversière accompagne le clavecin, conférant au thème principal une sensibilité à fleur de peau. Cette instrumentation rappelle celle de The Last Run et préfigure des œuvres postérieures comme The Cassandra Crossing, où Goldsmith module le timbre baroque vers une couleur dramatique unique.
Avec peu d'instrument, Goldsmith
élabore ne partition de tension fragile
Trop souvent relégué au rang des téléfilms oubliés, Crawlspace (1972) mérite aujourd’hui d’être redécouvert, et surtout réécouté. Car derrière ce thriller intimiste de 75 minutes, diffusé dans le cadre de The New CBS Friday Night Movies, se cache l’un des bijoux les plus discrets mais les plus aboutis de Jerry Goldsmith.
Le récit est étrange, tout en tension psychologique contenue. Goldsmith y répond par une musique d’une sobriété exemplaire !
Dès les premières notes, la musique installe un climat de douceur paisible, presque domestique, à travers un instrumentarium réduit : clavecin, harpe, bois, cordes légères, piano, flûte. Ce langage intime évoque la tranquillité apparente de la Nouvelle-Angleterre, et plus encore la vie figée du couple Graves, dont le quotidien bascule doucement. Goldsmith ne force jamais l’émotion, il la laisse s’infiltrer. On pense notamment à la scène du dîner de Noël, où un thème simple au piano fait surgir une chaleur humaine inattendue. C’est tout Goldsmith : raconter beaucoup avec presque rien.
Mais ce qui pourrait rester un petit exercice pastoral glisse subtilement vers l’ambiguïté. Car à mesure que le trouble s’installe dans le récit, la musique se dérègle elle aussi : pulsations irrégulières, frottements discrets, dissonances légères, rythmiques vaporeuses...
Goldsmith brouille les repères avec une économie de moyens redoutable. Il ne commente pas, il infiltre l’image, devance les silences, les peurs, les non-dits. Là où d’autres auraient appuyé les effets, lui choisit le trouble feutré, la tension insinuée, le vertige intérieur.
Et puis, comme souvent chez Goldsmith, surgit l’inattendu. Certaines séquences, The Grocery Store, Locked Out, offrent de véritables bouffées créatives où l’écriture rythmique s’emballe, où le compositeur expérimente. Percussions suspendues, ruptures de ton, contrepoints inattendus : des pages d’action discrètes mais inventives, qui annoncent déjà des recherches futures (on pense notamment à High Velocity). Chaque projet, pour Goldsmith, est une page blanche. Pas de formule, pas de routine. Juste un défi à relever, même pour un téléfilm modeste.
Crawlspace s’inscrit d’ailleurs dans l’une des périodes les plus passionnantes de sa carrière, au début des années 70, où il enchaîne les partitions à la fois audacieuses et profondément humaines : The Last Run, Pursuit, The Mephisto Waltz, The Brotherhood of the Bell… Autant de musiques où l’expérimentation rejoint l’émotion, où le risque devient une signature. À cette époque, Goldsmith n’hésite pas à bousculer les codes du langage cinématographique, à réinventer la narration musicale. Car c’est là que réside son génie :
dans sa capacité à saisir une scène banale et lui donner un relief émotionnel insoupçonné. À travers la musique, il ouvre une autre porte au spectateur, celle que le réalisateur ne peut franchir seul. Avec lui, le hors-champ devient palpable, l’impalpable devient tension, le silence devient discours. Ce n’est pas une illustration, c’est une co-écriture.
Crawlspace attendait son écrin depuis longtemps. Grâce au travail minutieux de Leigh Phillips et à ceux qui ont permis la résurrection de cette partition, ce trésor oublié revient enfin à la lumière. Une œuvre humble mais magistrale, où chaque note compte, où chaque silence parle. Du Goldsmith pur. Pas de petite musique pour un petit film : juste un compositeur qui, film après film, redéfinit ce que peut être la musique au cinéma. Un langage du cœur, un langage de l’ombre. Un art.
Une redécouverte essentielle et une œuvre sauvée de l’oubli
Que cette musique ait pu être ressuscitée relève presque du miracle. Grâce à Leigh Phillips et à son équipe, Crawlspace ne demeure plus un simple souvenir diffus dans la mémoire des passionnés, mais devient une œuvre audible, vivante, complète. Reconstituée avec rigueur à partir des éléments fragmentaires disponibles, retranscrite avec sensibilité, puis enregistrée avec un soin remarquable, cette partition oubliée retrouve enfin la place qui lui revient.