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LES CHEF-D'ŒUVRES DE   

 

STAR

TREKTM

PARAMOUNT PICTURES

ORIGINAL SOUNDTRACK

 

1979

 

AN IMPORTANT SCORE

ANALYSE DE QUENTIN BILLARD

par sa musique,

Jerry Goldsmith nous fait

entrer dans l'inconnu total

 

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LÀ OU AUCUN COMPOSITEUR N'EST JAMAIS ALLÉ !

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STAR TREK 1979 - PARAMOUNT PICTURES- ALL RIGHTS RESERVED

ASTRALE, COSMIQUE, SPACIALE, STAR TREK DE JERRY GOLDSMITH EST

LE PLUS GRAND SCORE DE FILM DE SCIENCE FICTION

MUSICAL LAW

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Impressionante symphonie !

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 I. " Là où aucun homme n’est jamais allé " :

Genèse d’une partition monumentale.

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"Star Trek The Motion Picture" demeure dans la carrière de Jerry Goldsmith une partition exceptionnelle, une grande expérience pour le maestro qui, en 1979, composa l'une de ses partitions les plus complexes et les plus riches de toute sa carrière. L'univers de science-fiction du somptueux et quasi métaphysique film de Robert Wise (catalogué par le Guinness des Records comme le film le plus cher de l’histoire du cinéma en 1979) convenait parfaitement au style de Goldsmith, qui s’est vu offrir la possibilité de créer pendant plusieurs mois une grande partition symphonique qui lui permettrait d'explorer des techniques sonores inédites (le film ayant demandé pas mal de temps de réalisation dû aux très nombreux effets spéciaux fort coûteux et très complexes à réaliser à l’époque).

A noter que Goldsmith n’a pas écrit toute la partition complète du film qui nécessita une quantité colossale de musique, certains segments musicaux plus mineurs ayant été confiés à Fred Steiner, grand compositeur de la CBS. Sur ‘Star Trek The Motion Picture’, Steiner a écrit quelques morceaux plus brefs basés sur les thèmes de Jerry Goldsmith. Alexander Courage, fameux compositeur de la célèbre fanfare de ‘Star Trek’ la série-TV de 1966, a aussi apporté sa contribution sur ‘Star Trek The Motion Picture’ pour écrire certains très courts passages basés sur son thème de la série d’origine (curieusement, Steiner et Courage ne sont crédités qu’en tant qu’orchestrateurs additionnels).

Le principal défi de Jerry Goldsmith fut d’écrire une très grande quantité de musique alors même que le film était en cours de tournage et qu’il ne pouvait toujours pas voir certaines séquences qui nécessitaient des effets spéciaux. Le maestro devait donc plus que jamais faire fonctionner son imagination sans trop compter d’emblée sur les images du film. Sorti renforcé par son expérience frustrante et pourtant fort passionnante sur le ‘Alien’ de Ridley Scott, Goldsmith rempilait à nouveau dans le registre de la science-fiction en optant cette fois-ci pour une approche de style ‘Space Opera’, mais en évitant soigneusement de calquer le style du ‘Star Wars’ de John Williams qui, en 1977, était devenu une référence incontournable dans le registre des musiques de Space Opera. Dans un premier temps, Jerry Goldsmith du écrire un thème pour l’Enterprise qu’il mit un certain temps à trouver, après quelques essais peu satisfaisants. Le déclic apparu enfin pour Goldsmith lorsqu’il eut finalement les images du film avec les effets spéciaux – ainsi naquit le célèbre thème de l’Enterprise et de l’équipage héroïque du capitaine Kirk (William Shatner). Mais le compositeur n’était pas au bout de ses peines, puisque certains ajouts d’effets spéciaux tardifs obligèrent le compositeur à réadapter et modifier plus de 25 minutes de sa partition, et ce une semaine à peine avant la sortie du film en décembre 1979 aux Etats-Unis.

 

II . Un instrumentarium spatial et spécial !

 

La partition de ‘Star Trek The Motion Picture’ reste réputée avant tout pour son instrumentation incroyablement riche et complexe, avec en particulier l'utilisation du ‘Blaster Beam’, un instrument crée spécifiquement pour les besoins du film par le musicien Craig Huxley (qui, enfant, fit à deux reprises une apparition dans la série TV d’origine en 1966). A noter que le Blaster Beam sera utilisé la même année, en 1979, dans la partition du film ‘Meteor’ de Laurence Rosenthal. En tout cas, rares sont les compositeurs à Hollywood à avoir apporté leur contribution à l’univers de l’organologie contemporaine, et Jerry Goldsmith fait dorénavant partie de ceux là. Bernard Herrmann, à son époque, avait lui aussi crée des instruments complètement insolites pour sa partition de ‘Beneath the 12-Mile Reef’ (1953) à partir de matériaux de récupération. Le ‘Blaster Beam’ est un très long assemblage de pièces métalliques en aluminium qui, frappées entre elles, produisent un son étrange qui ressemble à un son profondément métallique et étrange.

 

Parmi l’instrumentarium complexe de ‘Star Trek The Motion Picture’, Goldsmith réutilise des sonorités héritées de scores tels que ‘Planet of the Apes’, ‘The Illustrated Man’ ou bien encore ‘Alien’, composé la même année que la musique du film de Robert Wise. En plus de son orchestre de 90 musiciens placés sous la direction de Lionel Niewman (qui dirigea aussi ses partitions pour la trilogie ‘The Omen’ et ‘Alien’) et du Blaster Beam de Craig Huxley, Goldsmith utilise aussi un waterphone aux sonorités mystérieuses (instrument crée par Richard A. Waters en 1967 et constitué de baguettes de verre frottées avec les doigts, reliées à un résonateur en forme de bol et un cylindre central contenant de l’eau), quelques synthétiseurs discrets, une machine à vent (très utilisé par Maurice Ravel dans certaines de ses œuvres au début du 20ème siècle), ou bien encore un orgue. Pour un peu, on pourrait presque penser ici à certaines partitions aux orchestrations expérimentales du Bernard Herrmann des années 50/60!).

 

L’orchestre utilisé par Jerry Goldsmith se constitue de 28 violons, 10 altos, 10 violoncelles et 6 contrebasses. Dans le pupitre des bois, on trouve 3 flûtes dont une piccolo, 3 clarinettes dont une clarinette basse, une clarinette contrebasse, 3 bassons dont un contrebasson, 3 hautbois dont un cor anglais, un saxophone ténor et deux flûtes alto électriques dont une se trouve amplifiée par un echoplex. Dans le pupitre des cuivres, on trouve 4 trompettes, 6 cors, 4 trombones et 2 tubas. On trouve ensuite 2 harpes, 2 pianos (dont un piano électrique), un orgue, un clavecin, un célesta, un xylophone, un glockenspiel, un marimba, un vibraphone, un chimes, des timbales, une grosse caisse, un Log drum (tambour à fente crée dans une bûche de bois, utilisé par Goldsmith dans ‘Alien’), un cymbalum (cithare originaire des pays de l’Est, mais dont les principaux ancêtres remontent à l’Antiquité), un Song Bells (instrument similaire au vibraphone) et un Rub Rods. Ce dernier est un instrument originaire des USA, un sorte de baguette en aluminium qui, frottée avec un chiffon de colophane, permet d’obtenir une note à hauteur fixe. Pour finir sur les percussions, on trouve des cymbales suspendues, des cymbales cloutées (très utilisées dans le jazz), des gongs, des tom tom (tambours très utilisés à l’origine par les indiens d’Amérique), 2 tambours à fente en bois (un petit et un grand), des tambours africains, des boobams (tronçons de bambous de différentes longueurs posés sur un pied, produisant plusieurs hauteurs de note et très utilisés à Hollywood depuis les années 50), une lame à tonnerre (déjà très présente en musique depuis la période Baroque), des angklungs (idiophone à lames de bambou entrechoquées, très présentes dans la musique javanaise), des cloches d’eau et des crotales d’eau (l’eau permettant d’obtenir des vibrations et des inflexions sonores plus particulières et nuancées – à noter que Goldsmith utilisera beaucoup ces instruments à eau dans certaines de ses partitions plus expérimentales des années 60/70), un groupe de bols accordés selon différentes hauteurs et un rhombe (aérophone primitif que l’on fait tourner dans l’air en le tenant par une cordelette, créant une sorte de vrombissement particulier dont les hauteurs varient suivant la forme).

 

Enfin, parmi les synthétiseurs analogiques employés par Goldsmith, on retrouve le Yamaha CS-80, le Oberheim OBX (synthétiseur moderne très récent à l’époque, crée à peine un an avant le film, en 1978), le Serge Modular et le Arturia Arp 2600, particulièrement prisés à l’époque par des musiciens tels que Jean-Michel Jarre, Vangelis, Toto ou Keith Emerson. A noter que le choix de ces instruments insolites aux sonorités parfois expérimentales se justifie avant tout par l’univers métaphysique crée par Robert Wise dans son film. Cette fois-ci, le capitaine Kirk et son équipage ne vont pas livrer de grandes batailles spatiales mais bien faire face à un ennemi plus mystérieux, une machine énigmatique nommée V’gur, dotée d’une conscience et qui se déplace dans un immense nuage d’énergie se dirigeant tout droit vers la terre. L’Enterprise va devoir voyager à l’intérieur du nuage et percer le secret du sinistre V’gur, obligeant l’équipage à se rendre – comme la tagline de la série TV l’indiquait si brillamment – « là où aucun homme n’est jamais allé ».

 

 

III . Une thématique interstellaire !

 

Comme toute grande partition de Jerry Goldsmith qui se respecte, la musique de ‘Star Trek The Motion Picture’ offre une richesse thématique particulièrement impressionnante. Ainsi, ce ne sont pas moins de quatre thèmes qui parcourent l’ensemble de la musique du film de Robert Wise, avec pour commencer le célèbre thème héroïque et cuivré associé à l’Enterprise :

 

Le thème principal de ‘Star Trek The Motion Picture’ est associé aux aventures de l’Enterprise et restera lié à la saga musicale de l’univers ‘Star Trek’ jusqu’à la dernière partition de Jerry Goldsmith pour ‘Star Trek Nemesis’ en 2002. Entre temps, d’autres compositeurs viendront créer leurs propres thèmes pour la saga dans ‘Star Trek The Wrath of Khan’ et ‘Star Trek The Search for Spock’ (James Horner), ‘Star Trek The Voyage Home’ (Leonard Rosenman), ‘Star Trek The Undiscovered Country’ (Cliff Eidelman) et ‘Star Trek Generations’ (Dennis McCarthy). Le thème, devenu très populaire dans l’univers musical ‘Star Trek’, fait partie des grandes mélodies impérissables de Jerry Goldsmith ayant acquis une certaine célébrité. Il se distingue par sa ligne mélodique ascendante, son rythme entraînant, ses intervalles disjoints, ses orchestrations cuivrées et ses harmonies résolument majeures et brillantes. Goldsmith développera essentiellement ce thème durant la première partie du film et lors de la conclusion de l’histoire.

 

Second thème fort de la partition de ‘Star Trek The Motion Picture’, le thème du lieutenant Ilia, interprétée par Persis Khambatta, magnifique Miss Inde 1965 devenue actrice par la suite, et qui fut particulièrement émue par le fait de devoir se raser entièrement la tête pour son rôle dans le film de Robert Wise (l’actrice est hélas décédée en 1998 dès suite d’une attaque cardiaque – elle était seulement âgée de 47 ans).

Le ‘Ilia’s Theme’ se distingue par son allure romantique et lyrique flamboyante, à la manière des grandes mélodies romantiques du Golden Age hollywoodien :

 

Cette grande mélodie ample et lyrique illustre la romance entre Ilia et le commandant Decker dans le film, tout en apportant un souffle d’humanité à certains passages de la partition de Goldsmith. Le compositeur nous propose finalement une reprise magistrale lors du ‘End Credits’ et nous offre en bonus sur l’album publié par Columbia un arrangement orchestral baptisée ‘Ilia’s Theme’. A noter que, peu de temps après, le dit thème fut adapté en chanson sous le titre ‘A Star Beyond Time’, interprétée par Shaun Cassidy sur des paroles de L. Kusik. Le thème interviendra essentiellement vers la fin du film, lorsque Ilia et Decker se connecteront spirituellement et physiquement à V’gur (‘Games’ et ‘The Meld’).

 

Le troisième thème, utilisé uniquement au début du film, est associé aux Klingons, les ennemis jurés du capitaine Kirk. Le thème est entendu pour la scène où les menaçants oiseaux de proie des Klingons sont anéantis par le mystérieux nuage d’énergie de V’gur au début du film, dans le fameux ‘Klingon Battle’.

 

Le thème des Klingons surprend ici par ses intervalles de quintes ascendantes répétées apportant un côté guerrier aux redoutables ennemis jurés du capitaine Kirk. Mais, bien loin de vouloir faire de ce thème une mélodie martiale et barbare, Goldsmith lui confère au contraire un côté étrange avec un accompagnement rythmique en croches répétées à base de percussions diverses (tambour de bois à fente), de pizzicati de cordes, des effets de col legno aux contrebasses (frapper les cordes avec le bois de l’archet), de cordes du piano frappées avec un maillet et des angklung piccolo qui renforcent habilement le caractère rythmique du thème. A noter que Goldsmith utilise ici la flûte alto électrique en échoplex, afin de renforcer les sonorités étranges entourant le thème des Klingons. Avec cette utilisation très inventive des percussions, Goldsmith apporte une couleur particulière aux Klingons, rappelant une fois de plus son goût pour les instrumentations un brin expérimentales typiques de son style avant-gardiste des années 60/70. A noter que l’on a souvent comparé ce thème à un motif du Scherzo de la 4ème Symphonie de Ralph Vaughan-Williams, Jerry Goldsmith ayant d’ailleurs avoué avoir été quelque peu inspiré par Vaughan-Williams sur ‘Star Trek The Motion Picture’.

 

Le quatrième thème de la partition est associé quand à lui à V’gur, un motif particulièrement mystérieux et envoûtant.

 

Le thème de V’gur se distingue avant tout par sa figure mélodique ascendante et descendante mystérieuse, et son rythme de 3 croches dans une mesure à 6/8 (que Goldsmith utilise activement tout au long de sa partition). A noter ici un intervalle de septième majeure ré – do # entre la note la plus haute et la plus basse dans les deux premières mesures, la septième majeure apportant une certaine tension sous-jacente à la mélodie. Puis, les mesures 3 et 4 ne sont que d’habiles variantes des deux premières mesures, avec un changement d’harmonie. Si les deux premières mesures sont basées sur un accord de ré mineur, les deux suivantes glissent vers un accord de si bémol mineur (le do # devenant par enharmonie un ré bémol). L’enchaînement ré min. – si b min. apporte un sentiment de mystère assez intense à ce thème dans le film, présent lorsque l’Enterprise du capitaine Kirk dérive à l’intérieur du nuage et se dirige vers V’gur. On retrouve ainsi le dit thème dans des morceaux tels que ‘The Cloud’ (dans lequel Goldsmith utilise une machine à vent pour simuler la présence du nuage d’énergie de V’gur), sur lequel plane un sentiment de mystère absolu, Goldsmith nous offrant clairement le sentiment de voyager dans un autre monde, avec les sonorités étranges du Blaster Beam qui sera continuellement associé tout au long du film au nuage d’énergie de V’gur, avec ses sonorités métalliques profondes évoquant clairement la machine et ses secrets. Le waterphone est aussi utilisé ici pour suggérer le mystère entourant V’gur. A noter pour finir que le thème de V’gur rappelle par moment la mélodie principale de l’ouverture de la partition de ‘Vertigo’ de Bernard Herrmann, chose étrange étant donné que Goldsmith n’a jamais vraiment été influencé d’une quelconque façon par Herrmann dans ses musiques, les deux compositeurs ayant un style pourtant fort différent. Quoiqu’il en soit, ‘The Cloud’ fait incontestablement partie des morceaux-clé de la partition de ‘Star Trek The Motion Picture’, morceau renforçant le caractère métaphysique de la séquence de la traversée du nuage avec son thème entêtant et intense tout au long de la scène. Une fois de plus, force est de constater que Jerry Goldsmith n’est jamais aussi inspiré que lorsqu’il s’agit de créer un autre univers à travers sa musique.

 

Enfin, parmi les quelques autres motifs que l’on pourra trouver à quelques reprises, signalons un motif formés de 3 accords mineurs répétés, associé quand à lui à la menace de V’gur :

 

A noter que cet enchaînement de trois accords mineurs, le premier étant le même que le troisième, avec seulement un accord différent au milieu, s’enchaînant au demi ton inférieur par rapport au premier est entendu dès ‘Klingon Battle’, alors que l’on aperçoit dans le film les premiers plans du nuage de V’gur. Goldsmith développera de façon plus intense ce motif dans ‘The Cloud’ et d’autres morceaux associés aux mystères de l’inquiétante machine à la conscience quasi humaine.


Signalons ensuite un autre thème associé à Spock et le monde des Vulcains, thème intriguant et mystérieux entendu dans le superbe ‘Total Logic’ qui illustre la scène où Spock doit passer une cérémonie de rituel sur sa planète Vulcaine, cérémonie censée l’aider à se débarrasser de toute forme d’émotion – chez les Vulcains, l’émotion n’existe pas, seule la logique absolue prime par dessus tout :

 

Le thème de Spock utilisé dans ‘Total Logic’ baigne dans un environnement sonore mystérieux et quasiment inquiétant. Goldsmith suggère clairement ici l’idée de la découverte d’un monde totalement inconnu de l’homme – la planète Vulcaine, utilisant pour cela le waterphone, l’orgue, le Blaster Beam, l’angklung grave, quelques clusters graves discrets de harpe et piano (dont l’un est joué avec les cordes frappées par un maillet), et la lame à tonnerre. Le thème de Spock (ou thème Vulcain) est constitué de rythmes simples, des noires et des blanches essentiellement. Quelques petites cassures rythmiques viennent apporter un peu de relief à une mélodie aux intervalles torturées, utilisant le chromatisme et même une figure de chromatisme renversé (fa# - fa – sol). Mais la principale idée du thème Vulcain vient avant tout de son absence totale d’harmonie : les violons 1 et 2 jouent en octaves parallèles avec les violoncelles contrebasses cette mélodie complètement dénudée et sèche. Goldsmith accentue d’ailleurs dans le film cette sensation de ‘sécheresse’ harmonique par l’utilisation de sourdine sur les violons 1 et 2, apportant une sonorité très particulière au thème et à la scène en question. L’idée que recherche ici le compositeur, c’est d’exprimer avant tout l’univers de la rationalité et de la logique extrême des Vulcains, dont Spock fait partie, sans susciter la moindre émotion (d’où l’absence d’harmonie et l’aridité apparente du thème). Quoi de plus évident ici pour souligner la logique que de jouer une mélodie monolithique en octaves parallèles, sans contrepoint ni harmonie? ‘Total Logic’ crée ainsi une atmosphère étrange, mystérieuse, douce mais quasi suffocante. Les sonorités sombres du morceau traduisent finalement à merveille dans le film l’ambiance particulière qui règne au cours du rituel que doit passer Spock.

 

Pour finir, on pourra relever un dernier motif plutôt utilisé durant l’excellent ‘The Enterprise’, un ostinato rythmique de violoncelles/contrebasses qui apporte une énergie et une dynamique imposante à la séquence des préparatifs de l’Enterprise – sans aucun doute l’un des morceaux les plus éclatants et les plus réussis de la partition de Jerry Goldsmith.

 

Ainsi donc, avec des thèmes et motifs très riches et un instrumentarium incroyablement complexe et sophistiqué, Jerry Goldsmith élabore pour le film de Robert Wise une partition profonde, mystérieuse, envoûtante et entraînante. Si la présentation du célèbre thème principal héroïque et entraînant dans le ‘Main Title’ semble nous annoncer une aventure spatiale dans la plus pure tradition du genre, ‘Klingon Battle’ nous fait basculer dans un registre plus expérimental et inventif. La musique du film nous plonge immédiatement dans un monde inconnu, d’où la présence insolite du Blaster Beam et d’autres instruments rares comme le waterphone par exemple. ‘Total Logic’ poursuit ainsi cette exploration d’un monde nouveau avec des sonorités souvent mystérieuses, envoûtantes et étranges.

 

Puis, ‘Floating Office’ et ‘The Enterprise’ nous proposent un superbe développement assez long du thème de l'Enterprise durant la séquence des préparatifs du lancement du vaisseau. ‘Star Trek The Motion Picture’ a permis à Goldsmith d'utiliser un maximum sa musique sans être gêné par l'environnement sonore du film. Effectivement, certaines scènes assez longues contiennent peu de bruitages et le mixage sonore plutôt généreux du film a permis à la musique de Goldsmith de prendre toute son ampleur et de renforcer considérablement la puissance des images. C'est le cas pour la séquence relativement longue où le capitaine Kirk redécouvre l'Enterprise peu avant son départ de la station Epsilon 9. C'est aussi le cas pour l’une des séquences où l'Enterprise, pris au coeur du mystérieux nuage flottant dans l'espace, pénètre dans un univers inconnu de l'homme à la recherche de la mystérieuse forme de vie qui se dirige vers la terre et la menace de destruction (‘The Cloud’). On y retrouve ici aussi un travail thématique saisissant autour du thème de V’gur et des sonorités métalliques profondes du Blaster Beam associées à la machine vivante. Certes, on pourra regretter que le très lyrique thème d’Ilia ne soit pas plus présent dans le film, mais le peu de moment où il apparaît permet quand même à la partition de respirer un bon bol d’air frais. N'oublions pas non plus les quelques allusions au thème de la série d'origine composé par Alexander Courage, réadapté ici habilement au sein de la partition de Goldsmith sous forme de développements toujours très discrets, un lien qui paraît absolument évident pour permettre d’assurer la continuité musicale avec la série TV.

Mission accomplie donc pour Jerry Goldsmith qui créa en 1979 avec 'Star Trek: The Motion Picture' une de ses plus grandes œuvres pour le cinéma hollywoodien, celles qui font de lui l'un des plus grands compositeurs de musique de film de tout les temps. 'Star Trek: The Motion Picture' reste un véritable voyage musical vers un univers inconnu, l'orchestre (la partie humaine) cohabitant avec la froideur souvent menaçante des sons insolites acoustiques et électroniques, le mélange de sonorités semblant surgir tout droit d'un autre monde. Ce sentiment de menace reste d’ailleurs très présent tout au long de la partition, apportant une très grande intensité aux images du film de Robert Wise.

 

Jerry Goldsmith nous prouve une fois de plus qu’il possède un talent sur pour créer des ambiances spatiales mystérieuses et des textures sonores inouïes, en symbiose parfaite avec le film. Bien loin d’être une énième partition d’aventure pétaradante, la partition de ‘Star Trek The Motion Picture’ baigne à contrario dans une atmosphère musicale sombre et quasi surréaliste, «là où l’homme n’est jamais all». Voilà en tout cas une partition monumentale incontournable de Jerry Goldsmith, à connaître absolument!

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