top of page

​

LES CHEF-D'ŒUVRES DE   

 

20 TH CENTURY FOX

ORIGINAL SOUNDTRACK

 

1965

 

A PRESTIGIOUS SCORE

JERRY GOLDSMITH PHOTO BY

RUDY KOPPL/SOUNDTRACK MAGAZINE

THE PROLOGUE

MA002.jpg

Le musicien aurait certainement été fier de composer la musique de «The Agony and the Ecstasy» de Caroll Reed, film dédié au célèbre artiste italien « MichelAngelo » interprété avec brio par Charlton Heston. Produit par la 20th Century Fox en 1965, c’est Alex North à qui la la firme confia la tâche d’écrire la partition du film. 

Cependant, le génie du jeune Goldsmith, son expérience précoce et l'appui total de Monsieur North en personne lui ont permit d'être sélectionné pour écrire la musique d'un prologue unique et inattendu. L'oeuvre de Jerry Goldsmith est indiscutablement aussi belle et profonde que celle d'Alex North, si on peut dire à quelques notes près, aussi gracieuse !

MA003.jpg
moise.jpg
MA001.jpg

Reflet de l'art dans une musique. Tel un MichelAnge avec le marbre,

Goldsmith extrait peu à peu de l'image son chef-d'oeuvre !

  

 

Bandeaulatéral1.jpg
Twentieth Century Fox picturess - 1965 - ALL RIGHTS RESERVED

LE DIALOGUE GRACIEUX DES INSTRUMENTS

Création pochette 

Pascal Dupont

pour Musical law

© 2019 DR

I - Des époques différentes, des oeuvres uniques et similaires...

 

Si l'oeuvre de la chapelle Sixtine provoqua en partie l'agonie de Michel Angelo, la situation futquelques siècles plus tard, quasi similaire pour Jerry Goldsmith avec le score de "Basic Instinct". Que ce soit pour le peintre sculpteur ou le musicien, leur oeuvre unique et intemporelle fut le point de départ d’une agonie inexorable. Selon ses propres mots, Goldsmith avoua avoir frôlé la folie et quasiment ressenti une certaine frustration créative sur cette partition, une création qui a bien faillit lui faire perdre la tête ! « Basic Instinct » fut définitivement une étape frustrante et particulièrement éreintante pour le maestro qui amorça après cette œuvre une ultime mutation artistique vers la fin de sa carrière. Comme Michel Angelo, Goldsmith continuera de créer encore des oeuvres uniques et remarquables, mais avec une certaine violence nouvelle pour ses œuvres des années 90 (« Air Force One », « The 13th Warrior » ou bien encore « Hollow Man » dans la deuxième partie du score...).

 

De plus, l'après « Basic Instinct » fut une période terrible pour le musicien qui, heureux de pouvoir enfin rompre la routine habituelle de ses compositions en revenant vers des scores dits plus intimes et "humains", subit une déferlante de critiques inacceptables est injustifiées, beaucoup lui reprochant d'avoir composé des scores trop simplistes est alimentaires comme celui de « Chain Reaction » (probablement l’un des scores les plus impopulaires du musicien). Certains critiques peu scrupuleux iront même jusqu'à demander au maestro pourquoi il n'y avait plus de "magie" dans ses nouveaux scores comme auparavant ? Des compositions comme "Chain Reaction" ou encore "Deep Rising" sont pourtant devenues des modèles du genre, bien plus inventives et audacieuses qu’on pourrait le penser.

 

Le compositeur fut ainsi profondément touché par ces nombreuses salves de critiques injustes, ébranlant sa propre vision de son métier et sa passion pour la musique de film. Jerry Goldsmith devint alors de plus en plus sombre et sec dans ses propos sur la profession, allant même jusqu'à déclarer :

«Si dans les musiques que j'ai composées pour Franklin J. Schaffner et Joe Dante, il y a 20 minutes de bonne musique, alors je serais satisfait ! ».

Des propos qui peinent à cacher une certaine amertume et un manque d’objectivité de la part du maestro au sujet de ses grandes partitions. Quelle ironie inconsciente chez le maestro, lui qui, par immense humilité, était devenu incapable de juger toute son incroyable création !

 

On retrouve ainsi de grandes similitudes entre la fin de la vie de Jerry Goldsmith et celle de Michel-Ange. Tous deux furent conscients de leur productivité unique, et tous deux furent incapables de porter un jugement correct sur leurs œuvres, pourtant admirées de tous. Rongé par une lente agonie et habité par cette « magie inconsciente » qui débuta dans les années 90 avec la partition de « Basic Instinct », le musicien gardera jusqu'à la fin de ses jours une profonde sagesse, une humilité incomparable, ne regardant jamais en arrière, pour finalement déclarer en des termes d’une sobriété poignante : « je n'ai fait que mon travail ! ».

 

Propos nobles et pourtant peu compréhensibles d'un créateur hors du commun qui laissera derrière lui quelques uns des plus beaux fleurons jamais écrit pour la musique au cinéma.

 

II - Un parti pris juste !

 

Soulignons pour commencer un premier point intéressant dans cette œuvre intitulée « The Artist Who Did Not Want to Paint » : la musique de ce Prologue d’une douzaine de minutes aurait pu être bien différente ! Un musicien comme Jerry Goldsmith, pro dodécaphoniste, aurait pu créer comme dans « Freud » un anachronisme musical en élaborant une trame sérielle provocant ainsi un décalage temporel sur deux axes créatifs parallèles : celui de l'art du passé et celui de la musique savante du 20ème siècle. On aurait ainsi pu s’attendre à une sorte de musique abstraite et mystérieuse à l’image du personnage de Michel Angelo ; bruitages et atmosphères ambiguës auraient pu cohabiter avec une certaine aisance. Certains effets musicaux auraient même pu accentuer l'agonie du compositeur et le malaise artistique dont il souffrit sur la fin de sa vie. Fort de ses expériences sérielles et avant-gardistes des années 60/70, Goldsmith aurait pu mettre tout cela en place…

 

Et pourtant, le maestro a choisi au final une toute autre direction musicale : évoquer purement et simplement l'œuvre de Michel-Ange avec noblesse et sobriété, élaborant en plus des deux narrations que sont la voix off et les propos naturels des oeuvres de Michel-Ange un troisième discours corollaire aux deux premiers : celui de la musique – La pièce de Goldsmith s'écoutant facilement sans les images. De cette façon, le maestro fit le choix judicieux d’enrober et d’épouser à travers sa musique les différentes textures du marbre, de la lumière et des détails liés aux oeuvres de l'artiste/sculpteur, demeurant en totale symbiose avec la vision créative de Michel Angelo.

 

La musique de ce Prologue demeure légère, évocative et puissante par endroit, et ce, sans jamais prendre le dessus sur les images. Il s’agit belle et bien d’une authentique création musicale intelligente, alliant quelques connotations lointaines des grands maîtres italiens de l’ère baroque et la fluidité du style d’un compositeur déjà bien affirmé à cette époque.

 

III – Analyse du Prologue

 

La musique du Prologue de « The Agony & The Ecstasy » se divise en cinq sections principales qui s’enchaînent les unes aux autres sans interruption : « Rome », « Florence », « The Crucifix », « The Stone Giants » et « The Agony of Creation ». L’orchestre utilisé par Goldsmith inclut une large section de cordes avec un quatuor à cordes solistes, des bois, quelques percussions avec une harpe et une large section de cors. L’ouverture débute sur une vue générale aérienne de la basilique St Pierre à Rome avec proéminence du dôme : Jerry Goldsmith démarre son thème d’une façon similaire à celle de l’ouverture de la musique du film « The Sand Pebbles » (1966), en utilisant un puissant thème de cors de 8 notes, cors disposés ici de façon antiphonique afin de renforcer l’impact des cuivres à l’écran et la grandeur de Rome. On trouve alors en arrière-plan une lumière forte en contre jour évoquant la présence de "Dieu", la lumière céleste ! Puis, on découvre alors une vision brève mais ô combien majestueuse de la chapelle Sixtine, lieu d’agonie du célèbre artiste italien.

 

Une voix off démarre et nous raconte le début de la vie du jeune Michel Angelo Buenarroti. Jerry Goldsmith fait rapidement passer la musique en arrière plan afin de ne pas obstruer le récit en cours (comme par humilité par rapport à l'artiste...l’œuvre de Michel Angelo d’abord !). Le narrateur nous explique alors comment Michel-ange passa de croquis hyper précis du corps humain au volume et à la matière noble du « marbre blanc ». Après quelques oeuvres de jeunesse non finalisées pour certaines, s'enchaîne un diaporama des premières "Piéta" de l'artiste et ses interprétations divines et spirituelles. Jerry Goldsmith introduit au cours de cette séquence un solo de violoncelle simple et modeste, dont l’objectif est d’accentuer le caractère divin des oeuvres religieuses de Michel-ange, un moment de grâce pur pour le compositeur !

 

Un jeu de caméra se met ainsi en place, balayant de haut en bas et de long en large les sculptures de marbre, avec très peu de plans larges afin de coller au mieux aux travaux de l’artiste italien. A ces jeux de caméra s’ajoute un gros travail de lumière autour de clairs-obscurs puissants, ce que Goldsmith traduit dans sa musique par une utilisation harmonieuse de violons et de harpe toute en finesse.

 

Le maestro californien s'exprime librement tout en maintenant une certaine retenue dans l’utilisation de son orchestre, qui demeure fluide et gracieux, reflétant les différentes étapes de la vie de Michel-ange. La musique est belle, tendre, lumineuse, mystique et spirituelle, reflétant une certaine âme italienne par le biais d’un jeu de cordes connoté. Goldsmith traduit avec élégance les différentes étapes créatives de Michel-Ange, utilisant parfois quelques coups de cors puissants et planants qui prennent parfois le dessus sur les images. La musique atteint son apogée lors de la présentation des oeuvres les plus importantes de l'artiste - vision de bas en haut du célèbre « David », prestance d’une œuvre on ne peut plus idéale. Goldsmith créer un crescendo orchestral pour finalement arriver au dessus de la tête de David, enchaînant sur le tombeau des Médicis, oeuvre magique de l'artiste italien.

 

S’en suit alors un enchaînement final de plans pour la séquence sur l’incontournable "Moise", véritable festin artistique redoutable et pièce de choix totalement surdimensionnée du génial sculpteur italien. On retourne ensuite sur une deuxième séquence concernant "la Piéta" de St Pierre, probablement l’une des plus belles oeuvres de Michel-ange. Goldsmith revient ainsi d'une façon plus mystique avec son violoncelle solo, accompagné finement par une harpe qui souligne le doigté léger et la délicatesse avec laquelle Michel Angelo a appréhendé son travail du marbre. Jerry Goldsmith fait dialoguer gracieusement ses instruments de façon à bien mettre en avant le contraste entre la simplicité du visage et la complexité des voilages, véritable apogée grandiose de l’art sculptural.

 

Goldsmith introduit avec délicatesse un flûte traversière pour les oeuvres de fin de vie de l'artiste italien. C’est sans agressivité aucune et avec beaucoup de légèreté et de finesse que le musicien traduit ainsi "l'agonie" de Michel-ange, renforçant le drame humain que suggère cette séquence finale sans jamais tomber pour autant dans le mélodrame. On touche alors à l’agonie de la création : Michel Ange n'est plus en quête de beauté. Ses dernières oeuvres redeviennent inachevées, voires complètement abstraites pour certaines. Le violoncelle affirmé et lumineux du début devient ainsi fragile et vibrant. L'artiste agonise, toujours en quête de l'impossible, un impossible inconsciemment atteint et pourtant dépassé depuis bien longtemps...

 

C'est sur les mêmes images du début, celles du dôme impressionnant et de la vue sur la basilique que Jerry Goldsmith conclut ainsi l’évocation de ce merveilleux parcours artistique assez unique en son genre, en reprenant une dernière fois son thème de 8 notes interprété religieusement par des cors à l’unisson.

 

IV – Epilogue

 

Le maestro californien ignorait alors qu'il connaîtrait un jour cette même forme d'agonie avec la musique de "Basic Instinct" et toute la série de partitions qui suivirent jusqu’à ses derniers jours. Moralité, que se soit en sculpture, en peinture ou en musique, le destin est souvent assez similaire pour ces créateurs : « Basic Instinct » pour l'un, chapelle Sixtine pour l'autre, Jerry Goldsmith, Michel-Ange... deux hommes et deux artistes hors du commun pour une oeuvre intemporelle !

 

Texte conçu par Pascal Dupont et Quentin Billard.

Analyse musicale de Quentin Billard.

Créations Visuelles de Pascal Dupont

bottom of page