ANALYSE DU SCORE
THE LAST RUN
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FILMSCORE MONTHLY RECORDS
EDITED
JERRY GOLDSMITH
LES INCONTOURNABLES DE
Le thème principal apporte donc une émotion nostalgique à l'ouverture
du film et sera très vite associé au personnage d'Harry Garmes.
EXCLUSIVITÉ
Pour marquer l' événement DU RETOUR du site Musical Law sur le web, il nous paraissait important de de revisiter l’un des plus impressionnants scores de Jerry Goldsmith.
Un choix peu évident, vu le nombre de scores qualitatifs qu’a écrit le compositeur californien tout au long de son immense carrière. Cependant, il nous semblait avant tout essentiel de choisir une musique à laquelle il tenait beaucoup et qui nous tenait également à cœur.
Si les musiques de « Escape from Planet of the Apes » et « Brotherhood of the Bell » sont représentatives de l’écriture complexe et raffinée de Goldsmith dans les années 70, qu’en est-il de « The Last Run » (Les complices de la dernière chance) ?
Il s’agit d’une partition brillante, bourrée de trouvailles rythmiques sophistiquées et possédant un lyrisme sensible dans lequel la nostalgie prime avant tout.
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Replacé dans son contexte et sa période de création (1971), « The Last Run » aurait pu être considéré comme l’un des meilleurs scores du compositeur, malgré le fait que le film pour lequel il a été créé reste encore aujourd’hui considéré comme un effort mineur de la part du réalisateur Richard Fleischer, comme une bonne majorité de ses films, ce qui ne permit pas au score de Goldsmith de se hisser au rang de chef-d’oeuvre. Nous sommes effectivement très loin ici du rapport image/musique tel qu’il existe dans un film comme celui de « Patton ».
Cependant, pour « The Last Run », il est important d’observer que, comme la plupart des scores 70’s de Jerry Goldsmith (qu’ils soient mineurs ou majeurs), il se dégage de cette musique une incroyable justesse d’écriture, des choix musicaux judicieux et de très belles idées, sans oublier l’utilisation d’instruments particuliers comme le cymbalum, le clavecin et la guitare électrique, qui confèrent à l’ensemble un caractère absolu, permettant au musicien d’appréhender la thématique psychologique du film de Fleischer, et plus précisément celle du héros Harry Garmes, incarné par l’unique George C. Scott.
MGM Pictures 1971 © DR
Jerry Goldsmith en session d'enregistrement de la musique du film en compagnie de Carter de Haven, le producteur, Richard Fleischer, le metteur en scène et des membres de l'équipe technique et du son. ©MGM sources DR.
Fleischer + Goldsmith
une formule efficace !
Connu en France sous le titre « Les complices de la dernière chance », le film met en scène le magnifique George C. Scott dans la peau de Harry Garmes, un ancien gangster qui fut autrefois conducteur pour plusieurs grands malfrats mais qui décida de changer de vie lorsque, 10 après s'être retiré dans un petit village de pêcheur au Portugal, il décida d'effectuer une dernière mission pour se prouver à lui-même qu'il n'avait rien perdu de sa forme. Dans son dernier contrat, Harry doit conduire un gangster nommé Paul Rickard (Tony Musante) et sa fiancée Claudie (Trish Van Devere) en France. Mais, alors que la police commence à rechercher Paul qui a réussit à s'échapper d'un fourgon de transport de prisonnier, le trio se retrouve poursuivi par des gangsters qui leur ont tendus un piège et qui vont tout faire pour tenter de l'éliminer. Harry doit donc aider urgemment Paul et Claudie à s'échapper du pays et à rejoindre la France par un bateau.
Le voyage sera rude et mouvementé. Sur un scénario maigre et une mise en scène d'une sobriété exemplaire, Richard Fleischer arrive à dresser le portrait d'un trio de personnages réunis autour de l'excellent George C. Scott dans un rôle mineur mais maîtrisé, où il incarne un gangster vieillissant mais qui n'a rien perdu de ses réflexes et de sa vivacité d'esprit. Harry finit par tomber amoureux de Claudia, compliquant alors la situation avec Paul, lorsque les trois personnages forment un trio amoureux assez improbable.
La partition de Jerry Goldsmith pour « The Last Run » est assez courte, elle avoisine les 26 minutes dans le film.
Le score utilise une instrumentation éclectique typique de son style 'seventies', incluant un cymbalum hongrois (que le compositeur réutilisera de manière similaire dans « High Velocity »), un clavecin, un piano, une batterie, une basse, une guitare électrique très '70s' avec l'orchestre symphonique traditionnel (ici, le National Philharmonic Orchestra, orchestre fétiche du compositeur).
Le score est traversé de bout en bout par un très joli thème principal exposé dans le 'Main Title', thème qui se caractérise par son caractère nostalgique évoquant le héros du film interprété par George C. Scott tout en lui conférant un côté vieux héros solitaire (cf. ‘Last Run’).
Le thème est exposé au cymbalum accompagné par le clavecin et soutenu par une rythmique légère de batterie/basse/guitare pop très 'seventies'. La musique sonne évidemment assez 'datée' pour des oreilles des années 2000, avec son refrain évoquant une ballade/chanson de variété des années 70. On ressent d’ailleurs ici une certaine influence européenne pas si étonnante que cela chez Goldsmith. Le thème principal apporte donc une émotion nostalgique à l'ouverture du film et sera très vite associé au personnage d'Harry Garmes. Dans 'Border Crossing', Goldsmith suggère la traversée de la frontière sur fond de rythmique funky avec guitare électrique, clavecin et orchestre, mettant en avant une excellente écriture de cordes, vents et cuivres (à noter ici l'utilisation plus percussive des cuivres, accentuant la tension de la scène).
Dans 'Spanish Coast', Goldsmith souligne les côtes espagnoles que longe le héros dans le film avec un style hispanisant qu'il apprécie particulièrement et que l'on retrouvera plus tard dans des partitions telles que « Caboblanco » ou « Breakout ». Le compositeur met ici l'accent sur les cordes et les vents (avec guitare, basse et clavecin) afin d'illustrer de manière plus paisible les décors hispanisants du récit.
On comprend alors la signification du thème principal lorsque ce dernier revient dans 'Claudia Says Yes' (scène où Harry demande à Claudia si elle veut partir vivre avec lui et qu'elle accepte, dans un premier temps).
Le thème, débarrassé ici de sa rythmique pop initiale, se transforme en un véritable 'Love Theme' intime, tendre et nostalgique, confié au clavecin avec guitare, cordes et vents. Evidemment, Goldsmith nous réserve aussi quelques bons morceaux d'action comme le sympathique 'Rickard Escapes'. Ce dernier se distingue par sa rythmique de batterie avec petite formation instrumentale et orchestre dominé par les cuivres et les cordes, intensifiant l'action à l'écran sans jamais perdre de vue l’aspect mélodique qui reste largement prédominant. 'Double Cross' évoque alors la scène où Paul échappe à un guet-apens grâce à l'intervention musclée d'Harry, Goldsmith maintenant ici la tension en alternant action et suspense avec une grande habileté.
On notera pour l’occasion l'omniprésence des percussions avec cordes, vents, cuivres (utilisation des pizzicati de cordes, le tout enveloppé dans une certaine inventivité et complexité orchestrale typique du Goldsmith des années 70).
Si l'on passe outre la ballade romantique très kitsch de 'Yo Te Amo' pour la scène d'amour entre Paul et Claudia vers le milieu du film, on pourra apprécier la reprise très intime du thème principal dans 'Claudia's Stockings' et surtout l'excitant 'Trap' pour la scène du guet-apens final où l'action culmine au son d'un nouveau morceau d'action efficace, dominé par les percussions (batterie pop, timbales, xylophones, etc.), les cuivres et les cordes (le morceau est clairement composé dans l'esprit de « Escape from the Planet of The Apes ») avant une ultime reprise du thème principal dans le 'End Title', concluant le film de manière sobre et émouvante. Pour finir, on notera la traditionnelle chanson finale inspirée du thème principal et interprétée ici par Steve Lawrence, célèbre crooner américain.
Quentin Billard et pascal Dupont