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SOUNDTRACK   ANALYSES 

INCHON

EDITED

JERRY GOLDSMITH

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LES INCONTOURNABLES DE

INTRADA RECORDS

Photo ALIA © DR

Un score hyper martial

d'une qualité insoupçonnée...

Effets stéréophoniques garantis

Laurence Olivier

Ben Gazzara

INCHON, UNE ENTREPRISE MUSICALE TRÈS SPÉCIALE !

Une partition d’une très grande richesse à redécouvrir d’urgence grâce à l’excellente

réédition d’Intrada, une oeuvre rare du maestro et aussi une musique riche et captivante,

qui apporte une variété d’émotions étonnante au film de Terence Young !

Totalement méconnu dans nos contrées, « Inchon » est un film de guerre réalisé par Terence Young (réalisateur de quelques épisodes de la saga « James Bond ») en 1980, film américano-coréen doté d’un budget assez conséquent, avec en tête d’affiche Sir Laurence Olivier, Jacqueline Bisset, Ben Gazzara, Toshiro Mifune et Richard Roundtree. Sorti furtivement en salle en 1982, le film retrace l’épisode célèbre de la bataille d’Inchon durant la guerre de Corée, bataille qui fut décisive durant le conflit qui opposa la Corée du Nord à la Corée du Sud.

 

Débutée le 15 septembre 1950 et terminée autour du 28 septembre, cette opération amphibie organisée par les forces de l’ONU permit de sécuriser la petite ville portuaire d’Incheon et d’infiltrer le territoire ennemi jusqu’à la région de Pusan. Une partie des forces terrestres de l’ONU étaient composées des marines américains dirigés par le Général Douglas MacArthur (Sir Laurence Olivier). Cette bataille mit fin à une longue série de victoires de l’Armée populaire de Corée et permit aux forces de l’ONU de reprendre Séoul. Cependant, l’avancée américaine vers le nord pris fin près du fleuve de l’Amnokgang, séparant la République populaire de Chine et la Corée du Nord.

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Pochette créée spécialement

pour Musical Law.

Elle n'existe pas.

Le film de Terence Young décrit pendant près de 2h17 les principaux évènements qui constituèrent cette bataille cruciale dans la guerre de Corée, qu’il s’agisse de l’invasion d’origine de la Corée du Nord dans la Corée du Sud, ou de l’opération amphibie finale par les troupes de MacArthur. Avec un budget somme toute assez conséquent (près de 46 millions de dollars) et un casting luxueux (en plus des grands noms cités, on trouve dans les seconds rôles quelques acteurs comme David Janssen ou Omar Sharif), le film fut un énorme échec au box-office, accumulant à peine 2 millions de dollars de bénéfice.

 

Première ombre au tableau : une description assez lamentable et laborieuse de la bataille d’Inchon : une exposition trop longue, des intrigues secondaires totalement inutiles (Jacqueline Bisset semble ne pas avoir sa place dans ce film, et ses scènes avec les petits orphelins coréens sont d’une niaiserie absolue !), pas mal de bla-bla pompeux, une Love Story inutile, une interprétation surjouée de la part de Laurence Olivier (couvert de maquillage qui lui donne un côté efféminé ridicule !) et finalement un rythme très mou et très mal maîtrisé : le montage initial avoisinait tout de même les 170 minutes avant d’être remonté dans une nouvelle version de 140 minutes, puis, au final, 105 minutes, parmi les scènes coupées, le réalisateur avait prévu d’inclure une séquence dans laquelle le Christ descendrait lui-même du ciel pour indiquer à MacArthur ce qu’il devait faire pour la suite de la bataille, véridique ! Enfin, last but not least, le final extrêmement pompeux et pro-U.S. du film, qui glorifie MacArthur en en faisant un héros typiquement américain, alors que l’histoire du général est loin d’être rose de bout en bout ! Quant à la bataille finale, le réalisateur l’expédie en 20 minutes montre en main comme si de rien n’était. Bref, on n’y croit pas une seule seconde !

 

Deuxième problème, et non des moindres : « Inchon » a été produit par le révérend Sung Myung Moon, fondateur de l’église de l’Unification (une secte de fanatiques religieux qui considèrent Moon comme le Messie). Le révérend Moon a été condamné à de nombreuses reprises par la Justice, au Japon, en Corée et même aux Etats-Unis. A l’heure actuelle, il lui est interdit d’entrer en France.

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Moon a toujours milité en faveur de la libération de la Corée. On raconte même que l’idée de produire le film « Inchon », en compagnie du businessman japonais Matsusaburo Sakaguchi, lui serait venue à la suite d’une illumination divine. Mais le public ne s’y est pas trompé : refusant de financer l’église de l’Unification, les spectateurs ont largement boycotté le film en masse.

Le désastre fut tel que le film ne permit même pas de remplir le quart de ce qu’il avait coûté. « Inchon » fut lynché de partout par les critiques. Les journalistes américains de l’époque auraient même expliqué qu’il s’agissait de la « série-B la plus chère jamais produite à ce jour ». Le sort continua de s’acharner sur le film de Terence Young puisque le tournage fut touché par une série de désastres incluant l’intervention d’un typhon qui détruisit entièrement le phare construit pour les besoins du film, ou un accident provoqué par l’inattention d’un assistant du réalisateur lors d’une scène avec un bateau.

 

Beaucoup d’argent gaspillé, beaucoup de moyens mis en œuvre pour pas grand chose : au final, « Inchon » est un somptueux gâchis de bout en bout : d’argent, de talent et d’idéologie foireuse (MacArthur inspiré par Dieu pour son plan de bataille sur Inchon ?). Considéré comme l’un des plus gros flops de tous les temps, le film n’a jamais été édité en vidéo, ni en DVD (il circule néanmoins sous forme de bootlegs) et ne verra probablement jamais le jour sous la forme d’une édition vidéo officielle.

 

Malgré tout, un seul individu réussit à tirer son épingle du jeu : le compositeur Jerry Goldsmith, qui s’est retrouvé mêlé au film bien par hasard, alors que la musique devait être initialement prévue pour John Williams. Comme souvent, le film est totalement tombé dans l’oubli mais la musique de Goldsmith est devenue une petite perle rare, une partition brillante, majestueuse, dynamique et martiale. Rééditée aujourd’hui dans sa version complète 2CD grâce au label Intrada, la bande originale de « Inchon » nous permet de retrouver le Jerry Goldsmith des musiques plus martiales et inventives du début des années 80. Coïncidence, c’était la deuxième fois que le compositeur était amené à illustrer musicalement le personnage du Général MacArthur, puisqu’en 1977, il avait déjà signé la musique du film « MacArthur » de Joseph Sargent (avec Gregory Peck dans le rôle du général rebelle). La musique de « Inchon » se rapproche d’ailleurs beaucoup de celle de « MacArthur » : on y retrouve cette même inventivité dans l’utilisation des percussions, des instruments, et une grandeur martiale typique du Jerry Goldsmith des films de guerre (« Patton », « In Harm’s Way », « MacArthur », « The Blue Max », etc.).

 

La partition s’articule autour de trois thèmes principaux : le thème d’Inchon, associé dans le film au Général MacArthur, marche héroïque et martiale typique du maestro, le Love Theme pour les personnages de Barbara Hallsworth (Jacqueline Bisset) et le Major Frank Hallsworth (Ben Gazzara), et enfin un thème plus doux et intime pour la relation amicale entre Barbara et les petits orphelins dans le film. Ce troisième thème est en réalité une adaptation musicale d’une célèbre chanson coréenne traditionnelle intitulée « Arirang », chanson que Steve Jablonsky a d’ailleurs récemment utilisé pour la musique du film « D-War ». Si le film possède une histoire assez sombre et troublée, il en est de même pour l’enregistrement et la composition de la musique de Goldsmith : comme une bonne partie du budget était passé dans les décors et la mise en scène du film, le maestro n’eut droit qu’à une petite cave à vin à Rome en guise de studio d’enregistrement, et ce alors qu’il devait quand même enregistrer un gros orchestre pour la bande originale du film.

On raconte même que les musiciens devaient s’asseoir sur des caisses à vin ou se posaient contre les murs, et que l’étroitesse de la pièce empêcha le compositeur d’obtenir un son ample avec son orchestre. Malgré tout, Goldsmith réussit à relever le défi jusqu’au bout en créant une partition fraîche et inspirée de bout en bout.

 

Dès le début du film (« Prologue and Main Title »), Goldsmith annonce clairement la couleur martiale et sombre de l’histoire en évoquant l’invasion de la Corée du Sud par la Corée du Nord en utilisant un pupitre de percussions assez étoffé : xylophones, woodblocks, triangles, cymbales, caisse claire, grosse caisse, timbales et boo-bams, instrument à percussion construit à partir de tronçons de bambous de longueurs différentes (pour information, Goldsmith avait déjà utilisé cet instrument dans sa partition pour « Star Trek The Motion Picture » en 1979). Le compositeur ajoute à sa musique un côté martial et menaçant en utilisant un premier motif de cuivres obstinés aux notes ascendantes (associé aux guerriers nord coréens), motif que l’on retrouve aussi dans « The Bridge » sous une forme toujours aussi martiale et rythmique. A noter quelques sonorités asiatiques bien choisies, plus particulièrement dans le jeu des couleurs pentatoniques et les figures mélodiques à connotation asiatiques qui ne sont pas sans rappeler le travail du maestro sur « The Chairman » (1966).

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L’instrumentation percussive boisée de « The Bridge » permet au compositeur de renforcer le sentiment d’oppression avec un orchestre sombre et agité. Idem pour « Medley » où le thème renforce le sentiment de danger et d’urgence de la scène. A noter la façon dont les cuivres jouent en quartes parallèles tout en utilisant des techniques de flatterzunges (roulements de langue) menaçants, afin de souligner efficacement le caractère maléfique et dangereux de ce motif associé aux soldats nord coréen dans le film. « Medley » mélange en réalité les principaux thèmes du score d’Inchon : la superbe marche héroïque de MacArthur, « Inchon’s Theme » (dans la tradition des marches de « Patton » et « MacArthur »), le thème menaçant des nord coréens, et le magnifique thème lyrique des orphelins (adapté de la chanson traditionnelle coréenne « Arirang »).

 

Goldmsith n’oublie pas pour autant la partie plus humaine du film avec un magnifique « Love Theme » d’une finesse typique du compositeur, à base de cordes et de vents aériens, un Love Theme qui n’apparaît d’ailleurs qu’une seule fois dans le film - preuve que la scène romantique du film est totalement hors sujet et n’avait rien à faire là : elle n’a été ajouté que pour répondre à un impératif commercial qui veut que chaque film de guerre hollywoodien contienne au moins ses 5 minutes de scène romantique réglementaire !  

La partie dramatique et tragique de l’histoire paraît plus distinctement dans « The Aftermath » après le massacre des villageois au début du film. Goldsmith illustre cette séquence en utilisant des cuivres aux sursauts aigus et une orchestration assez dense et étoffée, avec un caractère assez funèbre. On découvre un autre thème plus lyrique entendu dans « The 38th Parallel » pour le personnage de Lim (l’amie coréenne du Major Hallsworth dans le film), thème aux consonances asiatiques qui revient de façon plus tendue et intense dans « The Aftermath », « A Change of Course » et le magnifique « Lim’s Death », grand moment d’émotion de la partition de « Inchon » avec ses cordes plaintives et funèbres pour illustrer la mort de Lim à la fin du film. Goldsmith nous gratifie d’une thématique très riche pour le film, probablement bien trop riche pour le film lui-même, prouvant à quel point Goldsmith donnait toujours le meilleur de lui-même sur des productions cinématographiques qui n’en valaient pas toujours le coup. La partie action martiale continue ensuite de se développer dans « The Tanks » avec son thème menaçant omniprésent et entêtant (on n’est guère loin par moment du motif des néo-nazis de « The Boys from Brazil » !) et son ostinato rythmique de percussions boisés martelé inlassablement et ses cuivres massifs.

 

On appréciera enfin la façon dont le maestro alterne entre moments calmes (le très beau thème nostalgique des orphelins dans « The Church » et « The Children »), passages rythmés (« The Trucks » avec son instrumentation inventive et ses rythmes saccadés à la Stravinsky/Bartok typiques du compositeur !), passages funèbres (« Corpses »), moments de romantisme pur (le magnifique et très lyrique « The Apology » pour les retrouvailles entre Barbara et Frank vers le milieu du film) et passages à suspense chers au compositeur.

C’est d’ailleurs la dernière partie du film qui nous permet d’entendre les sections les plus intéressantes de la partition de « Inchon ».

« The Lighthouse » accompagne ainsi la séquence de l’infiltration du phare d’Inchon pour le début de l’opération amphibie avec des cordes dissonantes tremolos, des vents et quelques percussions discrètes, atmosphère d’espionnage que l’on retrouve dans « The Clock Watcher » qui exprime tout le danger et le suspense de la scène et que l’on retrouve dans le long et intense « The Mines ». On retrouve ici le motif de cordes tremolos de « The Lighthouse » que Goldmsith développe sur plus de 5 minutes durant la scène où Frank et ses compagnons préparent les explosifs autour du phare afin de faire diversion. Les amateurs du Goldsmith atonal apprécieront ici la façon dont le compositeur développe le motif des nord coréens à travers différentes variations très subtiles, passant d’un instrument à un autre tout en changeant continuellement de rythme avec une inventivité rare.

 

On n’est guère loin par moment des passages d’infiltration/espionnage de « High Velocity » (1976) ou de « Twilight’s Last Gleaming » (1977). Le pupitre des percussions continue d’être sollicité tout au long du morceau, avec une tension sous-jacente particulièrement captivante : 5 minutes de suspense pur dans la plus grande tradition « Goldsmithienne » : du grand art, une fois encore !

A noter que le travail autour des percussions rappelle parfois certains travaux d’Edgar Varèse, un compositeur qui a parfois inspiré le compositeur dans certains de ses scores. Enfin, le maestro nous offre une reprise triomphante de la marche de MacArthur dans « The Landing » pour l’un des moments clé de la partition de « Inchon », marche incontournable, majestueuse et héroïque, comme Goldsmith les appréciait tant. Le morceau accompagne la scène du débarquement des troupes de l’ONU et de la contre-attaque finale. On retrouve la marche dans la seconde partie de « The Scroll » après une dernière reprise du très beau thème des orphelins par un violon soliste, sans oublier « Task Force » et ses rythmes triomphants pour le discours final de MacArthur (« Inchon’s Theme », qui accompagne le générique de fin en beauté).

 

Sans signer pour autant l’une des partitions majeures de sa carrière, Jerry Goldsmith a écrit pour « Inchon » une partition symphonique d’une qualité insoupçonnée, une partition que l’on pourra enfin apprécier à sa juste valeur dans son intégralité grâce à l’excellente édition double CD produite par Intrada et qui permet de prendre véritablement conscience du travail effectué par le compositeur sur le film de Terence Young.

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Tour à tour sombre, dramatique, funèbre, martiale, lyrique et légère, la musique de « Inchon » est un nouveau tour de force orchestral de la part du compositeur qui compense la nullité des images par un souffle musical quasi épique, fort d’une thématique très riche et variée : une marche héroïque, un Love Theme, un thème pour les orphelins, un thème pour Lim, un thème menaçant pour les nord coréens et un motif de suspense pour la scène du phare. A la pauvreté des images du film, Goldsmith propose et oppose une musique riche et élaborée, traversée de moments de grâce (le Love Theme et la délicatesse du thème des orphelins), rares pour un film de guerre de cette époque. Mais ce sont les passages plus sombres et musclés qui retiendront ici notre attention, avec une inventivité dans le maniement du pupitre des percussions et des sonorités asiatiques/ethniques du score de Goldsmith.

 

Une fois encore, le compositeur nous prouve à quel point il est un professionnel doté d’un immense savoir-faire à toute épreuve, capable d’offrir le meilleur aux pires des films : « Inchon » en est l’exemple flagrant ! Voici donc au final une partition d’une très grande richesse à redécouvrir d’urgence grâce à l’excellente réédition d’Intrada, une oeuvre rare du maestro et aussi une musique riche et captivante, qui apporte une variété d’émotions étonnante au film de Terence Young !

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Quentin Billard

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Inchon est un score

unique qui mérite une

attention particulière.

Une écoute au casque 

s'impose pour bien

apprécier les effets

de percussions 

stéréophoniques

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