COMPLETE SOUNDTRACK
THE
OTHER_
CD CLUB - THE OTHER
LDans 'The Other' (L'autre), le réalisateur Robert Mulligan ('To Kill a Mockingbird', 'Summer of '42', etc.) adapte à l'écran le roman de Tom Tryon pour un drame horrifique sur fond de ferme campagnarde et de jumeaux antagonistes. Niles Perry (Chris Udvarnoky), un jeune garçon de 9 ans, vit avec son frère jumeau Holland (Martin Udvarnoky) et sa famille dans une ferme du Connecticut. Niles voue une véritable admiration pour sa grand-mère d'origine russe, Ada (Uta Hagen), avec qui il adore faire ce qu'ils appellent tous les deux le 'jeu'. Ada a appris à Niles à rentrer et à voir dans le regard des êtres vivants qu'il observe tout autour de lui. Niles possède ainsi ce bien mystérieux pouvoir que lui a transmis sa grand-mère. Pendant ce temps, sa mère se repose dans la maison, traumatisée depuis la mort accidentelle de son mari qui s'est tué en descendant dans une cave de la grange. Très vite, des incidents de plus en plus inquiétants commencent à se produire: Russell, le jeune cousin de Niles, se tue en sautant dans du foin à l'intérieur duquel se trouvait une fourche. Plus tard, c'est Mrs. Rowe (Portia Nelson), la vieille voisine, qui est retrouvée morte chez elle. Puis, c'est au tour de la mère de Niles, qui tombe dans les escaliers et se retrouve paralysée en fauteuil roulant. A chaque fois, c'est le sinistre Holland qui se trouve impliqué dans ses terrifiants accidents. Niles sait que son frère jumeau est machiavélique, et il commence à avoir de plus en plus peur de lui. C'est alors qu'Ada se rend chez Mrs. Rowe et découvre l'harmonica de Holland. Dès lors, elle comprend que son 'jeu' avec Niles est allé beaucoup trop loin et qu'elle aurait dû lui révéler plus tôt toute la vérité à propos de son frère jumeau.
C'est sur cette trame particulièrement sombre et inquiétante que Robert Mulligan tisse une excellente intrigue mélangeant habilement drame et suspense horrifique dans un décor campagnard à l'apparence ordinaire et pastorale. Si le film commence de manière plutôt naïve, le réalisateur nous dévoile très vite le côté plus fantastique de l'histoire avec l'idée du 'pouvoir' qui unit Ada et le jeune Niles. Chaque élément semble alors former les morceaux d'un puzzle que reconstitue finalement le réalisateur à la fin du film, avec une mise en scène de qualité à la fois lente, sobre mais toujours soutenue, le film basculant finalement dans l'horreur et le tragique au cours d'un final particulièrement sombre.
Jerry Goldsmith photo DR - All rights reserved (c) 1972 20th Century Fox.
Quand la musique prend son envol ,
la magie Goldsmith opère !
Jerry Goldsmith avait déjà collaboré auparavant avec Robert Mulligan sur un de ses anciens films, le rarissime 'The Spiral Road' (1962). Pour 'The Other', Goldsmith s'est tourné vers son style lyrique/frissonnant habituel avec des orchestrations de qualité privilégiant les cordes, les vents, le clavecin et la harpe. Le film s'ouvre au son d'un joli thème interprété par une flûte et une harpe, repris ensuite par des cordes amples. Le thème principal de 'The Other' est une mélodie simple et nostalgique, dont le charme et la tendresse évoquent bien évidemment l'innocence de Niles, une innocence apparente sur laquelle le compositeur va astucieusement jouer tout au long de son oeuvre pour le film de Mulligan.
La combinaison flûte/harpe confère au thème un caractère fragile et doux qui évoque le jeune enfant. A noter que le thème (qui annonce par moment le style du futur thème enfantin de 'Poltergeist') prend très vite une certaine importance dans le film, car en plus d'être constamment présent, il est sifflé par le petit Holland (qui le joue aussi parfois sur son harmonica), telle une mélodie entêtante qui prend une signification plus négative, plus perverse dans la bouche de l'enfant machiavélique. Voilà la preuve que, plus que jamais, la musique de Goldsmith opère toujours de manière viscérale au plus profond de chaque film qu'il met en musique, du moins lorsqu'il trouve face à lui un réalisateur qui l'inspire et qui lui donne les moyens de s'exprimer pleinement.
Développé tout au long du film, le thème principal enfantin possède un caractère rassurant qui prend une tournure plus majestueuse dans l'excellente scène où Niles voit à travers les yeux d'un corbeau et s'envole dans les airs. Cordes et vents en avant, le morceau prend une ampleur plus grandiose lorsque, au même moment, des clusters de piano particulièrement inquiétant interviennent de manière répétée par dessus le thème comme pour annoncer que quelque chose de grave est sur le point de se produire (idée renforcée par ces plans soudains sur la fourche cachée dans la paille). D'abord restreinte et intimiste dans une première partie, la musique commence à devenir plus inquiétante, plus effrayante. La progression horrifique souhaitée par Mulligan dans son histoire est toute aussi lente et sinistre que la progression de la tension dans le score de Goldsmith. C'est après la séquence de la mort tragique du jeune Russell que la musique va commencer à prendre une tournure plus sombre, plus inquiétante. Goldsmith installe un climat plus envoûtant, avec cordes, vents et harpe. C'est d'ailleurs l'utilisation de la harpe qui attire ici notre attention, renforçant le caractère envoûtant et 'fantastique' de la musique dans le film.
Après un détour par une petite pièce asiatique et légère pour la scène avec le magicien dans le cirque, la musique devient plus amère, plus tendue. Le thème se fait moins présent, laissant place, à partir de la scène où la mère tombe dans les escaliers, à une sinistre musique de suspense glaciale. Dès lors, l'accent est mis sur le pupitre des cordes, aux effets dissonants, à la fois sombres et stridentes. On retrouve ici le Goldsmith des grandes musiques de thriller pures et dures. Il est amusant de constater à quel point le thème entêtant s'éclipse dans la dernière partie pour laisser place à ce maelström cafardeux et macabre. Ainsi, la scène où Niles revoit en flash-back la mort de Holland qui tombe dans le puits est accompagnée de manière terrifiante avec d'impressionnants clusters de cordes stridentes jouant sur des effets de glissendi rapides et des masses dissonances crispantes.
Ce bref effet orchestral chaotique a pour but d'affirmer le ton horrifique de cette dernière partie du film, car sans l'effet désiré de la musique, il serait fort à parier que l'on distinguerait plus difficilement le climat horrifique souhaité par le réalisateur. La tension monte ainsi jusqu'à la dernière partie pour la scène finale de l'incendie de la grange. Cette dernière est accompagnée par des cordes et des vents sombres renforcés par un effet sonore intéressant s'apparentant au frottement lointain d'un gong pour obtenir une sonorité profonde métallique assez saisissante à l'écran. Le film se conclut ainsi sur cette dernière touche de terreur, l'histoire basculant finalement dans l'horreur après avoir débuté de manière assez niaise et innocente, le puzzle étant enfin reconstitué.
Cette Jolie musique de Jerry Goldsmith confirme que même sur des projets plus modestes, le compositeur sait toujours donner le meilleur de lui-même et offrir une musique ancrée pleinement dans les profondeurs du film, qui habite véritablement l'histoire et dépasse le simple cadre fonctionnel de ce genre musical, comme souvent chez le maestro californien.
Enfin éditée dans sa version étendue chez le même éditeur ce score reste une petite oeuvre envoûtante de Jerry Goldsmith et qui mériterait amplement d'être redécouverte, ne serait-ce que pour son thème principal nostalgique et envoûtant qui hante toute la partition du film.