UN COMPOSITEUR
POUR LE DOCUMENTAIRE
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GÉNÉRATION
NATURE
MASTER &
COMMANDER
COMPOSITION
DU PEPLUM
AU film de guerre
EN PASSANT PAR LE
DOCUMENTAIRE NATURE
LES TURBANS ROUGES, ANTONY ET CLEOPATRE
NIMITZ, RETOUR VERS L'ENFER...
En 1972, John Scott signa avec ANTONY AND CLEOPATRA un des plus beaux fleurons de la musique de film à grand spectacle, une perfection musicale qui, au fil du temps, n’a rien perdu de ses vertus jusqu’à en devenir l’oeuvre de référence du maestro anglais.
Les bienheureuses éditions discographiques anglaises et japonaises qui en découlèrent devinrent très vite introuvables, entraînées sans doute dans leur chute par le relatif échec du film lui-même. Avant la fin des années 80, THE LONG DUEL et THE FINAL COUNTDOWN permirent à John Scott de donner la pleine mesure de ses talents en matière de musiques épiques et guerrières : même dans ces sujets où l’aventure et le mystère primaient avant tout, le musicien a toujours su insuffler une certaine force musicale achevant de donner à l’image une grandeur humaine.
En 1981, THE TREACHERY GAME de Ken Hannam avec Malcolm Stoddard et Mary Tamm, marquera l’une des dernières incursions de John dans le domaine de la série télévisées britannique avec trois épisodes à la clef. En 1983, le musicien est contacté par William Kronick afin de mettre en musique un film consacré à l’expédition Trans Glogbe intitulée TO THE ENDS OF THE EARTH, un concept évocateur, proche de l’univers de Cousteau et cher à John Scott qui se laisse envahir par des images d’une beauté à couper le souffle .
L’œuvre musicale est resplendissante, sur-mesure pour accompagner l’aventure. Ici pas de rythmiques modernes, le compositeur opte pour la très grande symphonie. C’est autour d’un motif central épique que john Scott échafaude une pléiade de thèmes en variations qui adhèrent parfaitement aux divers étapes de cette expédition autour du monde.
Le score est savoureux de part en part, souvent aérien, traité un peu à la manière d’un ballet et teinté de mystère. Les thèmes sont très enlevés et exhalent brillamment le parfum de l’aventure humaine et de la découverte.
John Scott est un des rares musiciens qui sache suggérer autant d’atmosphères, de sensations et d’actions dans une seule et même partition en ne se détachant jamais de son style unique et chaleureux. Que se soit pour une oeuvre cinématographique ou pour un documentaire, la passion des images l’emporte pour toujours nous offrir à chaque instant un émerveillement symphonique.
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« En découvrant pour la première fois ces images, j’ai été bouleversé, j’avais du mal à imaginer que cette aventure humaine était vraie.
Quand le Metteur en Scène William Kronick me demanda d’écrire la partition, j’hésitai, ayant peur de ne pas restituer l’ampleur des images et toute l’emotion du film.
Cependant William, féru d’opéra me demanda de concevoir un score qui aurait toutes qualités d’un opéra. »
En 1982, John Scott est en contrat avec la Columbia et se lança corps et âme dans la conception du score d’une production italienne qui s’annonça riche en aventure, IL MONDO DI YOR. John commença alors son travail alors que le film était toujours en tournage. Une petite production, certes, qui l’emmena à Rome pour les sessions d’enregistrement avec l’orchestre favori d’Ennio Morricone, le Santa Cecilia de Rome. A sa sortie en salles en 1982, le film d’Anthony Dawson (pseudonyme du spécialiste des nanars italiens Antonio Margheriti) essuya un échec retentissant et, à sa grande surprise, John Scott apprendra le rejet partiel de son score dans le film.
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« Il fallait que je finisse ma composition avant la fin du montage. Je suis reparti à Londres après les séances d’enregistrement mais le score ne leur convenait pas, ils souhaitaient avoir, à ce que j’ai pu comprendre, une musique de type « new wave ».
Après un nouveau montage, ils ont embauché les frères De Angelis, des musiciens très connus en Italie. Ils ont rejeté la plus grande partie de ce que j’avais écrit pour le film. Je pense que c’est un de mes meilleurs scores et j’en suis très fier. Le film a disparu des écrans aussi vite qu’il est apparu. J’ai pris tout de même un grand plaisir à écrire cette musique.»
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IL MONDO DI YOR reste aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands ratages du cinéma international (pourtant curieusement adulé en Allemagne et par les amateurs du fameux site internet « nanarland»).
On se demande même comment le musicien britannique a su y trouver autant d’inspiration, car la partition du film reste particulièrement belle et pleine d’exotisme.
John Scott n’eut guère de la chance dans cette production fauchée, ce qui ne l’empêcha pas de rester confiant et d’assouvir pleinement sa passion de musicien créateur. Il ne lui restait plus qu’à franchir le pas dans un film où, les éléments s’inversant légèrement, le drame humain primerait avant tout, nourri par l’inspiration épique.
Photo de film Greystoke -Warner Bros © Droits réservés
L’Aristocratie anglaise,
la passion, la sauvagerie…
Ce souhait se concrétisa enfin en 1984 avec le célèbre film de Hugh Hudson, GREYSTOKE, THE LEGEND OF TARZAN, LORD OF THE APES, une occasion unique pour le maestro de travailler sur un drame puissant et un film riche en sentiments et en valeurs humaines. John Scott a accomplit une mission au-delà de toute espérance de par l’ampleur de sa partition, son charme et sa noblesse profonde. La partition de GREYSTOKE s’inscrivit en cette année 1984 comme le plus beau fleuron musical du cinéma, tous scores confondus, un immense travail d’écriture qui permit au musicien anglais de tenir son haut rang de musicien de cinéma… La Légende de Tarzan, une aventure musicale unique pour John Scott mais également un travail difficile… GREYSTOKE marqua aussi les retrouvailles entre John Scott et le réalisateur Hugh Hudson, le cinéaste de CHARIOTS OF FIRE pour qui il avait déjà écrit des musiques de documentaires TV à petit budget.
En fait, John Scott se retrouva impliqué assez tardivement sur ce projet, le film ayant déjà connu diverses modifications de montage.Deux compositeurs avaient d’ailleurs déjà travaillé dessus, mais leurs musiques ne convenaient pas aux concepteurs du film. La production, qui avait décidé de travailler avec le Royal Philharmonic Orchestra, était inquiète à l’idée de ne pas trouver le bon musicien pour ce film. Le directeur de l’orchestre, qui connaissait bien John Scott et ses musiques pour la fondation Cousteau, suggéra au metteur en scène de l’engager pour le film, voyant en lui le musicien idéal au regard de ses travaux déjà effectués sur des films traitant de l’aristocratie anglaise. Il ne restait plus beaucoup de temps à John Scott pour élaborer une partition dans ses cordes, certes, mais avec des objectifs divergents venant d’une part du metteur en scène qui souhaitait une œuvre musicale opératique, une tragédie lyrique à la manière de Tristan et Yseult, et d’autre part de la production qui s’imaginait un Tarzan se balançant de lianes en lianes avec un thème héroïque façon SUPERMAN de John Williams.
C’est avec une bande son pré-établie que John visionna le film pour la première fois. C’est le frère de Hugh Hudson, critique de musique classique, qui avait suggéré entre temps d’utiliser des pièces issues d’oeuvres musicales de Holst, Ravel, Elgar et Varèse. Cette bande son temporaire, bien qu’intéressante en soi, plu au musicien mais n’apporta pas grand chose aux belles images présentées. John Scott suggéra alors fortement à Hugh Hudson de le laisser faire et d’avoir confiance en lui. Très enthousiasmé à l’idée de retravailler avec le musicien anglais, Hudson resta tout de même perplexe sur le travail que John allait lui présenter.
«Hugh Hudson fut très à l’aise avec moi, il m’envoya des enregistrements de Wagner et d’autres de Nino Rota qui avaient servi à la bande son de IL GATTOPARDO.
Nous communiquions facilement en échangeant diverses idées musicales…Tout en ayant une certaine liberté, je fut forcé de faire certaines choses, il insista ainsi sur l’idée d’une grande fugue pour une séquence où Tarzan, souffrant d’angoisse à « Greystoke », monte sauvagement sur son cheval. Je sentais qu’avec les effets sonores, les cris de Tarzan plus cette musique, la scène ne fonctionnait pas. Je proposais donc à Hugh de faire cette scène de deux façons, d’abord avec la fugue et ensuite avec une musique que j’avais écrite. Vous avez entendu ce qu’il a finalement choisi. J’ai écrit beaucoup de musique en peu de temps pour ce film mais ils n’ont pas tout utilisé. Beaucoup de séquences furent omises dans la version définitive. On insista beaucoup sur le fait que j’utilise Elgar mais je n’étais pas satisfait de ce choix, car cela ne fonctionnait pas très bien sur les images.
Dans une revue, j’ai lu une critique de ma musique que je devrais accrocher et agrandir au mur, expliquant que la bande sonore de GREYSTOKE aurait pu être bien meilleure si le réalisateur avait eu plus confiance en son compositeur. Dans le cinéma, il règne beaucoup d’idées préconçues. Déjà, dans le scénario d’un film, on indique souvent le genre de musique nécessaire. Si le compositeur sait adroitement interpréter ces informations de manière satisfaisante, tant mieux pour lui, mais souvent, ses propres idées peuvent être bien meilleures. Bien que je ne sois pas trop mécontent de mon travail sur « Greystoke », je pense que j’aurais pu aller encore plus loin si on m’avait réellement laissé faire. J’aime malgré tout écouter ce disque en oubliant ces désaccords.» (JS 1984)
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Hugh Hudson signa ainsi une fidèle adaptation du roman d’Edgar Rice Burrough et donna l’occasion à John Scott d’écrire une oeuvre sauvagement belle. Cette merveilleuse façon de dépeindre musicalement l’aristocratie britannique et la noblesse ont fait de lui le compositeur anglais par excellence. La musique de «La légende de Tarzan» est digne de figurer parmi les plus belles BO jamais écrites. Puissante et dramatique, elle exploite pleinement la science précise des instruments que possède son auteur, précision qui se retrouve dans la direction de l’orchestre. John Scott allie une personnalité évidente à une qualité de plus en plus rare : ne laissant rien au hasard, ne cédant jamais à la facilité. Il n’est point une note de cuivres, un crescendo, une percussion, un simple triangle qui soit inutile.
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Plus important encore, John Scott mit ses remarquables aptitudes de technicien au service d’une expressivité musicale poignante et déchirante, soutenue également par un lyrisme noble sublimé par le sens de la grâce.
John Scott fut indéniablement inspiré par son sujet. A la fin du film, on se dit que peu de scores combinent avec autant de force et de rigueur la chaleur et la tendresse, la fureur et le désespoir…
Des émotions à la perfection.
Biland d'une carrière exemplaire.
Habité par la musique et porté par ses talents de solistes, John Scott accompagne, arrange ou compose pour certaines des plus renommées parmi les formations de Jazz des années 60.
On le retrouve ainsi aux côtés de Woddy Herman, Ted Heath, Cilla Black pour laquelle d’ailleurs il arrangera quelques chansons. Le quintet qu’il dirige fait battre régulièrement la mesure sur les ondes de la BBC comme à la télévision.
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Brutalement, la carrière de John Scott se voit remise en question par une paralysie de la joue qui le contraint à remiser ses deux instruments de prédilection que sont le Saxophone et la flûte. Contraint, il n’a d’alternative que de se tourner vers la composition et la baguette de chef d’orchestre qu’il ne quittera plus.
Ce bouleversement l’amène à créer pour le monde de la chanson, il écrira notamment pour les Hollies et les Beatles qui lui doivent de vifs succès…
Cependant, c’est vers la composition symphonique qu’il se destine. Les années 70 voient l’épanouissement de son art mis au service de l’image et parmi les collaborations les plus marquantes de cette époque, on retrouve les réalisateur Ted Kodcheff (4 films en tout), le producteur Peter Snell avec ANTONY AND CLEOPATRA et HENNESSY. L’amitié portée aux réalisateurs Norman J.Warren ou Peter Sasdy l’amène à multiplier les incursions dans un genre bien particulier : le film d’épouvante dont il devient rapidement un spécialiste.
Le flamboyant thème de THE FINAL COUNTDOWN ou les volutes musicales des films documentaires de Jacques Yves Cousteau lui valent une renommée internationale. Malgré ces succès d’estime, John Scott continuera à honorer de son talent de petites productions comme le film INSEMINOÏD dont la composition pour clavecins électroniques lui vaudra une belle reconnaissance lors de Festival de cinéma de Madrid ou YOR dont la partition est presque entièrement rejetée.
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Il faudra attendre les films GREYSTOKE et MOUNTBATTEN pour le voir renouer avec un large succès cinématographique. Pourtant, malgré les efforts et la maîtrise déployés par le musicien, les films sans grandes résonances tels MAN ON FIRE ou SHOOT TO KILL et THE SHOOTING PARTY et divers films de qualité pour la télévision, THE MILLS ON THE FLOSS, THE SCARLET TUNIC, WALKING THUNDER, SURGAR, d'une beauté lyrique incroyable, lui permettront d'assurer une place au rang de géant de la musique de film.
En 1989, a l’origine du label JOS qui lui permet d’éditer ses partitions, John Scott rend public des musiques qui, pour des raisons financières, n’auraient pu voir le jour sur support CD.Alors qu’il devient au fil des années un compositeur de plus en plus demandé, un nouveau tournant dans sa carrière l’oblige à s’éloigner d’Hollywood pour l’Angleterre afin d’assister sa mère malade.
De cette période difficile, il en ressortira une réévaluation complète des priorités musicales. Alors qu’on lui aura reproché d’avoir mis en musique des films comme LIONHEART avec Jean-Claude Vandamme et pour lequel il aura su marier à merveille l’orchestre symphonique au «street jazz» en un thème éblouissant, John Scott reconsidère la production cinématographique peu inspirée des années 80.
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Ses compositions les plus récentes allieront une exigence constante d’excellence avec des choix de productions parfois très confidentielles mais également souvent très qualitatives.