ACCOMPANIMENTS
PLAYER &
INSTRUMENTIST
FROM BRISTOL TO HOLLYWOOD
DU SOLO À LA ​composition...
​
par Pascal Dupont
Biography 1
​
J’ai découvert l’œuvre de John Scott il y a quelques années, c’était en Août 1985, par un de ces après-midi où la chaleur vous étouffe. Histoire d’occuper quelques heures de temps libre, j’étais entré dans un cinéma de quartier de Calais, à l’affiche, NORTH DALLAS FORTY. Ce film tombait à pic puisque je suis un fan inconditionnel de Nick Nolte.
Je fut vite séduit par l’atmosphère plutôt intimiste et dramatique du film, admirablement porté par une bande son dont les rythmes pop/jazzy conféraient une ambiance très particulière aux images.
Vint le thème principal dont les volutes musicales, légères et rafraîchissantes dégageaient une chaleureuse nostalgie. Bien évidemment, je n’avait pas prêté attention au nom du compositeur lors du générique d’ouverture ; ce n’est qu’en quittant les lieux que je découvris au bas de l’affiche le nom de Patrick John Scott. J’avais déjà entendu parlé de ce compositeur de musique de film, mais sans y attacher une attention particulière.
Etait-ce cette musique, la moiteur d’une chaude journée d’été, l’atmosphère si particulière d’une petite salle de cinéma, mais ce souvenir allait rester vivace dans mon esprit, il allait me donner l’envie d’en savoir plus sur ce compositeur et sur son œuvre …
Patrick John Michael O'Hara Scott
est né le 1er novembre 1930 à Bishopston, dans la grande cité de Bristol, à l’ouest de l’Angleterre. Son père, policier de carrière et également musicien de formation, lui donne ses premières leçons de violon à l’âge de 6 ans.
Une formation précoce, bien qu’intéressante, ne sera pas très prometteuse. Ne se projetant pas à l'école il décide de suivre le même chemin de son père. Il rêve devenir clarinettiste dans un orchestre symphonique.
«Mon père désirait faire une carrière professionnelle dans la musique qu’il avait appris à l’armée. Malheureusement avec la crise de 1929, il fut obliger de se rabattre vers un emploi plus sûr en intégrant les forces de l’ordre. »
En 1943, le jeune Patrick vit à Londres avec sa mère et et gagne un peu d'argent en travaillant dans une boutique de musique à la réparation d’instruments. Son rêve de devenir musicien semble compromis, mais c’était sans compter sur une détermination tenace : à la première occasion, il partira réaliser son rêve. En 1944, la formation musicale qu’il a acquis auprès de son père lui permet d'être engagé dans la Royal Artillery Band de Woolwich de Londres, alors considéré comme l’un des meilleurs orchestres militaire du monde. Ses musiciens étaient souvent repérés et recrutés par de grands orchestres symphoniques anglais.
​
A 14 ans, il intègre le régiment entant que musicien soldat. Il est enfin dans son univers et souhaite s'adonner corps et âme à la musique. Il continue d'être formé à la clarinette mais son responsable de section lui demande contre son grès de pratiquer la harpe pour les besoins de l'orchestre de l'armée.
Une demande qui semble fortement compromettre son avenir de clarinettiste d'orchestre mais l'artillerie comporte un orchestre et une fanfare heureusement dans laquelle il continue de pratiquer son instrument de prédilection.
Bien qu'assidu à sa formation d'instrumentiste et comme beaucoup de ses camarades il est tenté a écrire ses premières notes et a arranger. Son amour pour la musique symphonique est constante mais tout doucement la passion du Jazz l'envahi. En compagnie d'autres garçons de section, il s'empresse de découvrir chez un disquaire local les oeuvres des grands maitres du jazz américain, celles de Duke Ellington, Stan Kenton, Count Basie, Woody Herman, Coleman Hawkins, Charlie Parker et tant d'autres... Graces à quelques économies il investi dans un saxophone Alto. Il apprend et joue par coeur la musique mais quelques expériences spécifiques vont vite l'amener à la lire parfaitement.
Dans les quartiers de Woolwich, il rencontre des musiciens locaux et agrémente sa solde en jouant dans des clubs privés et pour des orchestres de danse. Soliste remarqué, il s'entoure de 4 saxophonistes confirmés, forme un premier groupe et commence à composer. Bien conseillé dans son entourage, il élargi son champs d'action en réalisant des arrangements en masse pour son orchestre: Le Johnny Scott Band.
A l'armée, il continu son enseignement de soliste et voue une admiration sans nom pour son professeur de harpe.
Photo © 2021 DR - Orchestre de l'Artillerie de Woolwich. Devinez ou et Johnny ?
​
Quelques prouesses musicales le font monter en grade et l'amène à diriger pour des bals d'officiers et de sociétés divers. Bientôt, il crée un autre orchestre de 14 musiciens avec quelques pointures comme le pianiste arrangeur Gordon Langford mais très vite le jeune Johnny va être confronté à un soucis de taille, de violentes crises d’asthme l’empêchent de souffler correctement dans les instruments, ce qui lui vaudra d’être réformé. Malgré ce revers de fortune, le jeune Patrick quitte l’armée en 1952 avec une solide réputation de soliste. De cette expérience il dira :
​
«Ce fut pour moi une formation pratique qui me donna l’occasion d’apprendre à jouer plusieurs instruments comme la harpe, la flute, la clarinette mais également le saxophone…»
(DP) J’étais quand même perplexe, tout ceci était bien loin de la musique de film et Johnny Scott semblait même se rapprocher de plus en plus d’une carrière de musicien de jazz. J’appris qu’il se passionnait à l’époque pour les big band des grands maîtres du genre comme Charlie Parker et Duke Elligthon.
Sensible à la mode du moment, le jeune homme conserve l’un des surnoms qu’on lui donnait à l’armée : «Johnny». Le succès est tel que toutes les petites formations de jazz connus le sollicite, mais lors d’une représentation avec le Roy Fox Band, il est pris de malaises car ses poumons ne sont pas guéris. Par obligation et sérieusement, il part se faire soigner puis retrouve après un temps de convalescence bénéfique, son saxophone car il est réclamé par Teddy Foster et la formation "Ambrose" dont la réputation l’amène vite vers la consécration.
​
En 1952, John joue du vibraphone avec le Norman Bums Quintet. À la fin des années 50, il a travaillé avec le Vic Ash's Sextet, Kenny Baker, et a co-dirigé un groupe avec Art Ellefson, ainsi qu'en tant que arrangeur dans de nombreux autres groupes. Il a dirigé également son propre groupe le Johnny Scott Quintet pendant un certain temps, et a fait partie de l'Anglo-American Herd de Woody Herman Band en 1959.
​
Photo © 2021 DR - BBC SHOW
Sa flûte traversière et son saxo sont appréciés par les talentueux jazzmen, Eddy Tompson, Dave Brubeck ou Bill Le Sage. Reconnu rapidement comme l’un des meilleurs soliste d’Angleterre, Johnny Scott voyage de formation en formation et vit comme un accomplissement le contrat qui le lie avec l’orchestre de George Edward Heath, dit Ted Heath.
Avec son quintet de jazz populaire et du célèbre Johnny Scott Trio (jouant de la flûte à droite avec David Snell et Duncan Lamont). Melody Maker, le premier journal britannique de musique pop du 20e siècle publiait un sondage annuel sur le jazz dans les années 60 affirmant que Johnny a été classé comme le meilleur joueur de flûte pendant six années consécutives...
​
(DP) Les résultats de mon enquête étaient tout de même troublants, notre homme semblait de plus en plus se diriger vers une carrière de musicien certes mais bien éloignée de celle du compositeur de musique de film que j’avais découvert dans ce cinéma de quartier. Était-ce là son unique œuvre pour le cinéma ?
​
La rencontre avec le producteur George Martin aura toute son importance et représente l’occasion unique d’arranger et de jouer de la flute pour les très populaires Beatles, "You've Got to Hide Your Love Away.
Il entre donc en qualité d’arrangeur dans les mythiques studios de EMI à Londres et dirige les orchestres lors de sessions d’enregistrement de ses grandes vedettes. Il enregistre avec Cilla Black, Matt Monro, Gerry and The Pacemakers, Freddy and The Dreamers, Eric Burdon and The Animals, Tom Jones, Nirvana et The Hollies (John contribue en tant qu'arrangeur et chef d'orchestre à leurs méga-succès "He Ain't Heavy, He's My Brother" et "Long Cool Woman).
Particulièrement actif, John joue aussi avec Yehudi Menuhin, Ravi Shankar, Nelson Riddle, John Dankworth, John Barry, Cleo Laine, Dave Brubech, Quincy Jones, entre autres.
​
"Je me souviens avoir travaillé avec Tom Jones aux studios Decca, je ne me souviens pas des chansons mais j'ai aimé travailler avec lui, c'était avant que je compose pour le cinéma.
j'étais arrangeur pour EMI. J'ai travaillé en 1966 avec Sasha Distel pour Gramophone (Titre - SEXY) à Paris lorsque j'étais arrangeur, mais c'est loin maintenant.
Julian Bream était dans l'armée avec moi et je jouais de la flûte dans son Elizabethen Consort
J'ai quitté le consort pour travailler dans un film appelé "All Night Long".
Dans les années soixante, le jazz fait swinger l’Angleterre et de nombreux Big Bang continuent à se créent. Celui de John Barry "The John Barry Seven" est particulièrement réputé, Johnny y est invité régulièrement et participe à des shows télévisés sur la BBC.
De son côté, Johnny dirige un quintet de Jazzman de première classe. Des musiciens aussi confirmés que Duncan Lamont, David Snell ou Barry Morgan l’accompagnent sur ce merveilleux parcours en travaillant sur des albums à thème comme celui de «Communication» comportant des compositions de jazz pointues.
Le morceau «Donna Lee» arrangé et interprété à la flute par Johnny marquera les esprits… ll accompagne également les musiciens Bert Courtley, Tubby Hayes, Ronnies Ross et Keith Christie pour la bande originale du film ALL NIGHT LONG, version moderne d’Othello pour laquelle il compose une suite Jazz pour flûte et saxo intitulée «Scott Free», rivalisant ainsi avec des pointures comme Charlie Mingus ou Dave Brubeck…
Un soliste pour la symphonie ...
(DP) John Barry, ce nom était bien connu dans le domaine de la musique de film, il avait composé une musique pour le film BEAT GIRL. En creusant cette piste j’ai découvert que John Scott avait participé à l’élaboration de la première composition musicale de son ami entant que soliste, il en était d’ailleurs très fier.
A ses début, Barry travaille avec le Royal Philharmonic Orchestra et s’entoure de solistes renommés comme Johnny. Ses multiples talents sont très vite mis à contribution en effectuant des solos de saxophone pour les premiers James Bond (DR NO, GOLDFINGER) et d’autres films qui marquent les débuts du maestro Barry comme THE WHISPERERS en 1967 ou encore le remarquable LION IN WINTER en 1968, musique pour laquelle Johnny interprète des parties de flûte. Une performance exceptionnelle qu’il renouvelle sur d’autres films comme CHARADE, ARABESQUE ou encore HATARI, auprès d’un autre grand maître de la musique de cinéma : Henry Mancini.
(DP) Voilà, la boucle est bouclée et après toutes ces expériences, Patrick John Scott participait à la musique pour le grand écran et c’est précisément avec l’excellent Henry Mancini qu’il apprend les ficelles de cet exigent métier, comme il le confirme lui-même :
​
«J’ai beaucoup appris de lui en ce qui concerne les aspect techniques et esthétiques de la musique de film. C’était formidable, je jouais de la flûte ou du saxophone. Henri aimait particulièrement la flûte basse et j’en jouais une très bonne. Entre deux pauses, j’allais jeter un coup d’œil sur ses conducteurs afin de voir comment il organisait l’orchestre et plaçait la musique sur les images.»
​
Dès 1963, les arrangements et les premières compositions de Johnny Scott sont particulièrement remarquées et appréciées dans le milieu des médias ; la radio et la télévision font appel à lui pour des jingles publicitaires, des génériques d’émissions divers, des magazines d’actualité dont celui longtemps utilisé par Barbara Walters.
A la demande de certains éditeurs discographiques anglais et dans la mouvance des musiques d’ambiances des années 70, il enregistre avec son orchestre de 40 musiciens des thèmes issus de ses propres compositions mais aussi réenregistre des succès appartenant à la chansons populaire internationale ou de la musique de film en les arrangeant à son style.
​
En 1965, le britannique Hugh Hudson l’invite à écrire le score du documentaire BIRDS AND PLANES, film à petit budget qui compare la morphologie souvent étonnante des oiseaux avec le design de certains avions. Johnny écrit alors un sobre et intimiste quatuor à cordes, piano et quatre contrebasses dont la forme, particulièrement inattendue, s’apparente à de la musique de chambre.
​
Hugh Hudson propose une analogie intéressante entre les bruits et la morphologie des oiseaux et celles des avions. Johnny doit alors traduire musicalement ces différents concepts en écrivant avec une certaine liberté une musique pour petite formation, suggérant ainsi à travers les sonorités graves des effets de piano martelés un rapprochement subtil avec les bruits mécaniques des engins aéroportés. Quand au quatuor à cordes, il était là pour apporter des nuances à l’ensemble, le tout avoisinant à peine les 15 minutes. Ce fut la première collaboration entre John Scott et Hugh Hudson, collaboration qui atteindra son point culminant avec GREYSTOKE en 1983.
​
​
​
Un très bon départ ...
En quête de musiciens de talent, le producteur Dimitri deGrunwald engage le compositeur en 1965 pour un documentaire intitulé SHELLARAMA (documentaire réalisé pour la promotion de la marque), c’est à cette occasion qu’il rencontre l’assistant de DeGrunwald en la personne de Norman J. Warren.
​
Celui-ci remarque tout de suite le potentiel créatif du musicien et lui propose rapidement l’écriture de la bande originale de son film FRAGMENT. Le respect et l’amitié s’installent entre les deux hommes et fructueuse sera leur relation professionnelle (six films en tout dont le dernier, INSEMINOÏD, sortira en 1981).
Convaincu par les qualités artistiques du musicien, De Grunwald le recommande auprès du producteur Herman Cohen alors en quête d’un compositeur pour son futur film, A STUDY IN TERROR qui sera réalisé en 1965 par James Hill raccontant l’affrontement entre Jack l’éventreur et le célèbre détective privé anglais, Sherlock Holmes.
Pour cette glaçante adaptation cinématographique de l’ouvrage d’Arthur Conan Doyle, le musicien écrit une partition intelligente qui favorise les ambiances malsaines et terrifiantes. Ce sera pour Johnny Scott l’opportunité de travailler avec un ensemble de musiciens plus important…
(DP) Enfin je venais de découvrir le film qui marquait officiellement le grand départ des œuvres musicales écrites pour le cinéma.
Entre 1965 et 1970, Johnny Scott conçoit un grand nombre de musiques pour des productions anglaises à petits budgets qui lui permettront, sans qu’un style précis ne se dégage encore, de parfaire sa technique. Il compose en 1966 un score très amusant pour le film de Ralph Thomas DOCTOR IN CLOVER, puis l’année suivante une série de scores pour petits films d’horreur sans grande importance. Il retrouve Norman J. Warren pour une comédie dramatique ROCKET TO THE MOON dont sa composition oscille entre rythmes martiaux et musique «légère» restituant parfaitement l’époque Victorienne. Puis pour le même cinéaste, il réalise deux scores de films d’épouvante : HER PRIVATE HELL et LOVING FEELING (1968).
Ces modestes productions l’amènent à recourir à des procédés musicaux particulièrement inventifs afin de palier aux effectifs restreins dont il dispose. Mais notre compositeur n’a pas créé que des œuvres pour de petites formations musicales.
​
Avec THE LONG DUEL de Ken Annakin en 1967 (dans lequel on retrouve entre autre Yul Brynner, Charlotte Rampling et Trevor Howard), Johnny bénéficia d’un ensemble orchestral conséquent pour pouvoir nous emmener au coeur même de l’aventure et de l’épique. L’histoire, se situant aux Indes, donna l'occasion au compositeur de jouer pleinement la carte de l’exotisme.
​
A l’orchestre symphonique, il incorpore un certain nombre d’instruments typiques comme le sitar, le tabla ou encore la tampura et profite d'une expérience acquise auparavant auprès du célèbre musicien Ravi Shankar pour accentuer l'atmosphère indienne qui se dégage du film. Un genre vers lequel Scott reviendra plus tard avec sucées avec des films comme MOUNTBATTEN, THE DECEIVERS ou encore KING IN THE WIND.
La musique de THE LONG DUEL fut éditée à la sortie du film en LP par la Paramount et devint très vite un véritable objet de collection. John Scott apporta beaucoup d’ampleur à ces thèmes en créant des mélodies longuement développées, le tout enveloppé dans une élégance et une maîtrise étonnante pour une œuvre de jeunesse.
​
La même année, Dimitri De Grunwald produit STRANGER IN THE HOUSE (Cop Out), de Perre Rouve avec Geraldine Chaplin. Un échec commercial cuisant mais possédant une très jolie partition de style jazzy et un mémorable thème "Ain't that so" interprété par Eric burdon et "The Animals" écrit par Patrick John Scott.
© L'Ange et le Démon 1970 (Twinky / titre anglais : Lola) est un film italo-britannique réalisé par Richard Donner.
En 1967, toujours pour des productions à budget réduit, il écrit les musiques de BERSECK (1967), THE VIOLENT ENEMY (1967), CROOKS AND CORONETS (1969), TROG (1970), un film d’horreur peu connu avec Joan Crawford et croise même Richard Donner pour le film TWINKY, une comédie dramatique avec Charles Bronson en 1969.
(DP) J’avais remarqué au cours de mes investigations que Patrick John , comme on l’appelait aussi, était plutôt fidèle quand il s’agissait d’amitié et de travail.
En 1971, il entame une collaboration avec le réalisateur canadien Ted Kotcheff (4 films au total), le premier étant OUTBACK- WAKE IN FIGHT, LE REVEIL DE LA TERREUR, en français, thriller brutal avec Donald Pleasance dans lequel l’atmosphère musicale morbide et claustrophobique apporte un climat malsain particulièrement bien ressenti dans le film.
1972, année ou il raccourci son nom devenant définitivement John Scott et s’attèle à la musique d’un film produit par la MGM, THE JERUSALEM FILE de John Flynn avec Bruce Davidson, Nicol Williamson et de nouveau Donald Pleasance. Il signe ensuite le score de d’un nouveau film d’horreur DOOMWATCH de Peter Sasdy et simultanément celui d’une importante production de Peter Snell ANTONY AND CLEOPATRA, adaptation de la tragédie de William Shakespeare, réalisée et interprétée par le mythique Charton Heston. John Scott compose en trois semaines cette brillante musique conçue pour orchestre symphonique et chœurs, une première pour le musicien qui se retrouve face au grand effectif du prestigieux London Philharmonic Orchestra. A l’instar de Miklos Rozsa, John Scott crée pour ce péplum une partition exceptionnelle, tout en puissance et en beauté, un véritable coup de maître couronnant des années de travail.
Le style John Scott se révèle...
A sa sortie, le film de Charlton Heston ne rencontre pas un vif succès mais une édition discographique à la pochette « Fold out » très attrayante sort aux États Unis puis au Japon, un disque succès !
A l’aube des années 70, le style John Scott s’affirme et les projets se diversifient, lui offrant l’occasion de s’essayer à des genres cinématographiques nouveaux tout en lui permettant d’étoffer son langage musical. Ses créations pour des films d’épouvante tels que CRAZE (1973) de Freddy Francis, SYMPTOMS de José Ramon Larraz (1974) ou encore SATAN’S SLAVE de Norman J. Warren (1976) finissent d’en faire un maître du genre.
John Scott compose en 1973 la musique du film ENGLAND MADE ME de Peter Duffell, avec Michael York, Peter Finch et Hildegard Neil, adapté d’une nouvelle de Graham Greene. L’histoire se déroule dans les années 30 en Allemagne, peu de temps avant la montée du nazisme. Une oeuvre musicale assez sombre et tendue dans l’ensemble alternant thèmes tragiques, ragtimes, marches militaires et musiques jazzy traditionnelles reflétant impeccablement cette période. Une oeuvre de jeunnesse que le maestro Scott affectionne qui fut éditée en LP dès sa sortie.
(DP) Je venais de découvrir la première faille : comme pour beaucoup de créateurs de musiques de films de sa génération, John Scott a connu les désagréments des scores rejetés. Une méthode courante dans le hollywood moderne !
Dans la tradition des musiques western, il compose le score du film BILLY TWO HATS avec Grégory Peck, son second film avec Ted Kotcheff, produit par Norman Jewison.
Il fut très enthousiaste à l’idée de retravailler avec ce metteur en scène, notamment pour un western, genre qui l’attirait particulièrement, comme beaucoup de musiciens de sa génération. Incursion positive dans cet univers spécifique qui lui permis d'écrire un thème qui échappe aux conventions du genre, sous la forme d'une ballade nostalgique moderne qui apporte une réele notoriété au film. John Scott reviendra quelques années plus tard dans cet univers avec WALKING THUNDER de Graig Clyde.
Avec SPYS, John tente une approche musicale moderne et rythmée conçue pour une petite formation mais bien qu’il réponde aux exigences du metteur en scène, sa musique sera rejetée par la production américaine au profit d’un nouveau score signé par Jerry Goldsmith.
©Jane Goodall at Gombe Stream National Park, Tanzania. Photo: Hugo van Lawick.
En 1973, le Baron Hugo Van Lauwick et son épouse, Jane Goodall de la firme METROMEDIA lui demandent d’écrire une partition pour un documentaire intitulé THE WILD DOGS OF AFRICA, ce qui lui vaudra un Emmy Award.
​
Durant les années 70, les propositions alternent entre productions relativement ambitieuses et films nettement plus modestes ce qui n’empêche pas la qualité constante de son apport. Les détours vers la télévision deviennent réguliers, que ce soit pour des séries ou des génériques d’émissions, il en profite pour élargir encore ses approches musicales, se découvrant même à cette époque une prédilection pour les musiques d’action et d’ambiance. Son nom apparaît donc au générique de séries britanniques populaires comme SOLID GOLD ou RETURN OF THE SAINT, suite des aventures de Simon Templar incarné par l’acteur Ivan Ogilvy.
Le style se fait dynamique, percutant, prenant. En 1975, le compositeur retrouve Peter Snell, le producteur de ANTONY AND CLEOPATRA, pour un thriller anglais mis en scène par Don Sharp, HENNESSY avec la ravissante Lee Remick et l’excellent Rod Steiger; l’histoire est celle d’un homme dont la famille a été abattue pendant les émeutes de Belfast et qui décide de se venger du gouvernement anglais qu’il juge responsable.
​
Le film est mal perçu pour ce qu’il dénonce et passe par la censure, ce qui ne l’empêchera pas toute fois de sortir dans les salles. C’est une œuvre poignante, au lyrisme mélancolique que nous livre le compositeur. Il est à noter que c’est Steve Previn, co-poducteur est également le frère d’André Previn qui offrit à John Scott l’occasion de diriger le prestigieux London Symphony Orchestra.
(DP) J’avançais au fur et à mesure dans la carrière du maestro et pu m’apercevoir qu’ HENNESSY n’était pas un grand score mais était considéré comme une création majeure de cette période. D’autres suivront.
En 1977, son expérience en musiques pour documentaires et ses liens avec le Royal Philharmonic Orchestra lui vaut de rencontrer le Commandant Jaques-Yves Cousteau, grand homme de la nature et amateur de musiques symphoniques, un personnage unique qui allait bientôt jouer un rôle capital dans la carrière du musicien. Le commandant, toujours à la recherche de bonnes partitions pour accompagner ses somptueuses aventures marines et sous-marines, lui offre la possibilité de travailler sur le segment ULTIMATUM SOUS LA MER. Une réussite majeure qui marquera le début d’ une belle amitié personnelle et professionnelle qui durera près de vingt ans.
​
(DP) Mon enquête avait donc révélé un autre tournant décisif pour John Scott qui, outre sa carrière cinématographique, allait enrichir sa filmographie d’incursions toujours plus nombreuses dans la création pour la télévision.
​
Toujours en 1977, John se voit récompensé par un Emmy Award, le deuxième de sa carrière pour son excellent travail sur la série américaine LITTLE VIC de Harvey Herman avec l’acteur Rory Calhoun. Il aborde ensuite l’aventure et le fantastique avec un film intitulé THE PEOPLE THAT TIME FORGOT de Kevin Reynolds avec Patrick Wayne, (fils de John) et Doug Mc Clure, un spécialiste du genre.
La partition écrite pour grand orchestre, chœur et percussion ne manque pas d’ampleur et annonce clairement lors de certains passages les échos d’un futur FINAL COUNTDOWN.
(DP) La fin des années 70 se révèle très valorisante pour le musicien Anglais, c’est d’ailleurs à cette époque que John compose la musique de NORTH DALLAS FORTY offrant l’atmosphère musicale intimiste qui m’avait tant troublé en cet après-midi d’août. Rappelons au passage que ce score de 1979 fut pour John Scott le premier enregistré dans des studios américains.
Toujours en 1979, le musée Smithsonian Institution/IMAX commande au musicien britannique une musique pour le court métrage THE LIVING PLANET, celle-ci fut traitée essentiellement sur claviers electroniques. En constante productivité, John Scott, alterne films et séries, génériques d’émissions et téléfilms, et si Hollywood ne le sollicite que très peu, sa production reste riche et digne d’intérêt à de nombreux égards, des scores comme ANTONY AND CLEOPATRA ou THE LONG DUEL font d’ors et déjà figures de classiques du genres.
En attendant le souffle de la tempête
Le monde de Jacques Cousteau s’avère donc très captivant pour notre compositeur. En ce début d’année 1980, John Scott compose essentiellement pour la télévision, tout d’abord pour un téléfilm d’espionnage américain à petit budget dont l’histoire se déroule à Paris, THE HOSTAGE TOWER, d’après un best-seller d’Allister McLane avec Peter Fonda et Maud Adams.
Dans la foulée, il écrit aussi les musiques de trois épisodes d’une série télévisée britannique d’espionnage THE ASSASSINATION RUN de Ken Hannan avec Sandor Eles, une série sans grand succès qui s’arrêtera dés la première saison pour cause de faible audimat ! Malgré des projets de petite envergure, John Scott crée des ambiances musicales surprenantes, et tous les aspects sensibles qu’il apporte à ses mélodies interpellent les auditeurs et passionnés de musique de films.
Musicien accompli, Il aime apporter toute forme de nuances et de couleurs à sa musique, et ne voit guère d’intérêt à ce que quelqu’un d’autre orchestre à sa place. Cependant, cela reste monnaie courante en Amérique, car beaucoup de musiciens hollywoodiens possèdent leurs propres orchestrateurs.
Pour le téléfilm THE HOSTAGE TOWER, John engage l’un d’entre eux. «Je ne lui ai pas laissé beaucoup de liberté, j’entendais tellement la musique dans ma tête que je ne voyais pas comment il pouvait intervenir dessus, mais on m’avait dit qu’en Amérique, sans orchestrateur, on n’est rien ! Je n’aime pas que quelqu’un change la sonorité de ma musique. En plus, sans orchestrateur, je travaille plus vite …»
La composition pour le petit écran l’accapare totalement. Il écrit la musique d’un nouveau documentaire pour son ami Cousteau : CLIPPERTON : ILE DE LA SOLITUDE, un score que le compositeur affectionne particulièrement. Un travail de très haute qualité qui attire particulièrement l’attention des producteurs de la United Artists, qui lui proposent de mettre en musique le nouveau film de Don Taylor THE FINAL COUNTDOWN avec en vedette Kirk Douglas, Martin Sheen, Katharina Ross et James Farentino. Le film combine habilement guerre et science-fiction, soutenu par un scénario plutôt habile, racontant l’histoire du célèbre porte-avions américain USS Nimitz disparaissant au cours d’une mission de routine, pris dans un gigantesque orage magnétique. A son bord, l’équipage comprend bien vite qu’ils sont revenus en 1941, près de Pearl Harbor, à la veille de l’attaque japonaise. Les fameux F-14 Tomcat, avions de combat rapides et sophistiqués, doivent faire face aux attaques des kamikazes japonais avec leurs redoutables avions Mitsubishi A6M plus connus sous le nom de « Zéro ».
​
Un concept intéressant qui donne au musicien l’opportunité de concevoir un score atypique.
«J’ai écrit une grande partie du score à partir des dessins du storyboard, car le film comportait beaucoup d’effets spéciaux. J’ai dû écrire pour certaines séquences d’action, plusieurs versions, espérant qu’une d’entre elles resterait dans la version final. Le montage fut assez laborieux car ils désiraient en mettre trop.Au delà des aléas techniques, ce film me procura de grands moments de création, car écrire de la musique sur de belles batailles aériennes est très motivant et excitant ! J’ai écrit beaucoup de musique pour ce film mais tout n’a pas été utilisé ! Tout tournait autour de cette tempête électromagnétique qui permettait aux personnages de faire un saut dans le temps. La musique devait alors appuyer ce phénomène.
J’ai pu disposer d’un orchestre conséquent et je me suis dit qu’il serait intéressant de créer un type de musique que les gens n’avaient jamais entendu auparavant. J’ai donc enregistré des instruments réels que j’ai retraité avec des instruments acoustiques afin qu’ils sonnent de manière nouvelle. C’était vraiment une bonne expérience car j’ai été invité à souper avec le véritable capitaine du Nimitz sur son porte-avions. J’ai pu y rencontrer les pilotes de la Air Force. C’était fantastique ! »
Un travail conséquent pour le musicien qui orchestre seul l’intégralité de la partition. A sa sortie, le film essuie un vif succès et la presse cinématographique ne manque pas de citer le travail original du compositeur. Une réussite majeure qui relance la carrière de John Scott, on le classe au rang des plus grands compositeurs de sa génération.
Un courant électronique.
En 1981, le musicien ne range pas les synthétiseurs pour autant car c’est par le biais de l’acoustique qu’il conçoit la musique du film de son ami Norman J. Warren INSEMINOID, film d’horreur/science-fiction à très faible budget, un critère qui ne découragera pas pour autant le musicien qui optera ici pour une approche entièrement synthétique, pour la simple et bonne raison qu’il jugera ce choix parfaitement approprié pour le concept même du film.
Totalement programmée et exécutée sur les synthétiseurs Prophet 5, Moog et Roland (le must de la technologie musicale au début des années 80), la musique d’INSEMINOID nécessita plus de 300 heures de programmation en studio afin de sélectionner les sons acoustiques qui définiront l’essentiel de la structure musicale synthétique de la musique du film, un travail colossal pour un résultat assez atypique dans la filmographie de John Scott (davantage connu pour ses partitions symphoniques que pour ses musiques électroniques !).