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08  I  CD edition score

Murder in

the first

soundtrack

I

​

Basée sur une histoire vraie,

celle de Henri Young.

 

Pour le film, Christopher Young

écrit une musique poignante

et pleine d' humanité.

Analyse 01

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'Murder In The First' (Meurtre à Alcatraz) est un film poignant qui dénonce les dérives du système carcéral américain à la fin des années 30, un peu avant la guerre. Le réalisateur Marc Rocco s'est inspiré d'un fait réel pour illustrer l'histoire bouleversante de Henri Young (Kevin Bacon), un petit criminel envoyé dans la tristement célèbre prison d'Alcatraz dans les années 30, juste parce qu'il avait volé un billet de 5 dollars à un commerçant afin de nourrir sa petite soeur. Après avoir fait une tentative d'évasion avec un autre détenu, Henri Young sera enfermé dans les sinistres cachots de la prison où il subira pendant plus de trois longues années le traitement inhumain imposé par le directeur de la prison, Milton Glenn (Gary Oldman).

 

Torturé et maltraité dans des conditions inhumaines, humiliantes et douloureuses, Henri Young ressortira de cet enfer affaibli et gravement mutilé, et tout ca malgré le fait que la loi précise que la durée d'internement spécial pour les punitions ne doit pas dépasser 19 jours. A sa sortie des cachots, Young arrive au réfectoire pour prendre enfin son premier véritable repas depuis plus de trois ans.

Fou de rage, il se jette sur son ancien compagnon avec qui il a tenté de s'évader et le tue en lui plantant une cuillère dans le cou. Accusé du meurtre de Rufus McCain, Henri Young risque la chambre à gaz s'il est reconnu coupable d'homicide volontaire. C'est là que rentre en scène son avocat, le jeune James Stamphill (Christian Slater) qui débute avec ce premier procès difficile et particulièrement épineux. Pour Stamphill, c'est son baptême du feu et il n'a pas le droit à l'erreur, d'autant que l'avocat de la partie civile William McNeil (William H.Macy) ne lui fera aucun cadeau. Après avoir essayé de rentrer en contact avec Henri Young, Stamphill va très vite découvrir la vérité: cet homme a enduré le pire dans les cachots inhumains de la prison d'Alcatraz.

Accusant les dirigeants d'Alcatraz d'avoir fait subir à Henri Young des conditions inhumaines, Stamphill va très vite s'attirer les ennuis des responsables en haut lieu qui commencent à le trouver gênant, d'autant que le procès commence à prendre une dangereuse tournure médiatique. Il ne faut pas oublier que nous sommes à la veille de la seconde Guerre Mondiale et que les Américains, qui se disent protecteur des valeurs humaines et universelles, ne peuvent admettre que l'une des figures emblématiques du système carcéral américain soit ainsi accusé de 'crime contre l'humanité', ce qui reviendrait à dire que les dirigeants de cette prison ne valent pas mieux que les tortionnaires Nazis.

Voilà tout l'enjeu de ce terrible procès difficile et extrêmement agité. Mais pour Henri Young, les enjeux ne sont pas les mêmes. Il sait qu'il n'a aucune chance et que Stamphill ne pourra jamais le faire acquitter. Pour lui, tôt ou tard, il sera envoyé dans la chambre à gaz. Il va même jusqu'à dire qu'il se moque complètement du procès. Tout ce que cet homme voulait, c'était avoir un ami qui lui tienne un peu compagnie avant de mourir. Pour lui, James Stamphill est ce nouvel ami, et même si ce dernier essaie de lui expliquer qu'il est son avocat et non son ami, Young ne veut rien entendre et persiste. Pourtant, plus le procès avance, et plus Stamphill va commencer à se nouer d'amitié avec Young.

 

Le reste appartient à l'histoire, puisqu'en Mars 1963, la prison d'Alcatraz sera définitivement fermé. Impossible de rester insensible face à cette terrible histoire, impossible de ne pas ressentir la douleur qu'Henri Young nous fait ressentir à l'écran, impossible de ne pas prendre position pour cet homme meurtri par un système carcéral injuste et inhumain qui ne respecte même pas ses engagements (mettre les gens sur le droit chemin par le biais d'un traitement humain et équitable).

On pourra alors reprocher au film de romancer certains faits (notamment à propos de la fermeture de la prison, surtout du à un problème d'argent et à un changement d'administration à Washington, sans oublier un changement radical de philosophie au bureau des prisons) ou de tomber dans un style larmoyant parfois un peu facile, mais l'essentiel de l'histoire est exprimé à travers la performance remarquable de Kevin Bacon, absolument bouleversant dans le rôle de cette victime/martyr de l'injustice du système carcéral américain. 'Murder In The First' est sans aucun doute la plus belle performance que le célèbre acteur américain nous ait offert à ce jour. Il est d'ailleurs dommage que cet honnête drame carcéral soit un peu tombé dans les oubliettes ces dernières années, alors qu'il s'agit sans aucun doute de l'un des plus beaux films sur ce sujet. Un drame poignant qui ne peut pas nous laisser indifférent.

Changement radical de cap pour Christopher Young qui délaisse ici l'univers des films d'horreurs et des thrillers pour nous livrer avec 'Murder In The First' une petite partition orchestrale émouvante, lyrique et poignante. Le thème repose sur un magnifique thème principal entouré de deux autres petits thèmes répétés de manière inlassable tout au long du film. Si le score attire notre attention dès la première écoute, on ne pourra que s'étonner de son côté répétitif puisque ce sont essentiellement les mêmes thèmes et les mêmes morceaux qui reviennent tout au long du film.

Ceci étant dit, 'Murder In The First' est un score surprenant de la part d'un compositeur qui ne nous avait pas habitué à ce genre de musique auparavant. Le score repose entièrement sur l'orchestre à cordes renforcé par quelques violons solistes et un violoncelle mélancolique. Bref, Young fait preuve ici d'un classicisme d'écriture étonnant, le compositeur nous ayant surtout habitué à son style plus atonal et expérimental.

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Nul doute que le thème principal (entendu moins de 5 fois seulement dans le film) constitue pour beaucoup l'attraction majeur du score, certains béophiles ayant pointés du doigt la ressemblance entre ce thème et certains airs d'Opéra de Puccini (on pense à la 'Tosca' ou à 'Madama Butterfly'). Beaucoup ont aussi rapproché l'oeuvre avec le style de John Williams ('Born on The Fourth of July' dans un style solennel/lyrique/mélancolique assez similaire) ou la fameuse 'Fantasia on A Theme by Thomas Tallis' de Ralph Vaughan Williams. De là à savoir si ces ressemblances étaient voulues...toujours est il que le score de Young est l'atout majeur du film de Marc Rocco car c'est à travers lui et le magnifique jeu d'acteur de Kevin Bacon que le drame prend toute sa dimension.

La première piste de l'album illumine le générique de début alors que l'on voit Henri Young recroquevillé douloureusement dans son cachot, torturé et traîné dans l'obscurité la plus totale, en compagnie des araignées et des cafards. Comment alors ne pas ressentir de la pitié pour cet homme à l'écoute de la piste 'Murder In The First' qui nous introduit les principaux thèmes du score, les deux motifs de cordes et le magnifique thème principal. Young a su trouver le ton juste sans tomber dans du larmoyant de bas étage, avec une écriture plutôt minimaliste reposant sur de très belles parties de cordes à la fois mélancoliques et résignées, et des harmonies simples et dépouillées. Pour une première approche du score, cette première piste est décidément très émouvante et nous plonge d'entrée dans le drame auquel on va assister (difficile de retenir ses larmes à la première écoute de ce morceau dans le début du film, à la fois dur et poignant). Le choix de confier la partition à des cordes seules n'a rien de surprenant: les violons ont toujours été les instruments privilégiés dans les musiques sentimentales et chaleureuses (il y a quand même une harpe, un piano très discret en plus de quelques timbales elles aussi discrètes, mais ce sont bel et bien les cordes qui dominent ici).

Le côté solitaire de ces cordes (et des quelques solistes qui viennent rejoindre l'orchestre à cordes, un peu plus d'un magnifique choeur quasi spirituel dans les moments forts du film) vient rejoindre la solitude dans laquelle Henri Young se retrouve enfermé durant ces 3 longues années difficiles dans les cachots d'Alcatraz. Dès le début, le ton est donné, Young continuant de développer le côté mélancolique et résignée de sa partition. Le travail autour des solistes est particulièrement remarquable, surtout dans les reprises des deux thèmes entendus dès le début et souvent repris par un violoncelle solitaire ou un violon ('All Things Visible' par exemple). 'Solitary Confinement' est l'un des plus beaux exemples de musique triste et résignée dans l'univers musical de Christopher Young, exprimant ici la solitude douloureuse dans laquelle Henri Young s'est lui même enfermé après avoir vécu l'horreur dans l'enfer d'Alcatraz.

A noter le poignant 'The Truth Be Known' qui reprend le superbe thème principal doublé par des choeurs, morceau émouvant qui évoque ici l'idée de justice, Stamphill jurant de dénoncer au monde entier l'injustice et l'inhumanité qui règne dans cette prison. Comme Nicolas Kannengiesser l'a bien dit dans sa revue pour le site Traxzone, 'The Truth Be Known' "fait figure de cri de désespoir et d'appel à la justice", une caractéristique majeure de cette partition lyrique, douce et mélancolique. Evidemment, le compositeur laisse place à des moments beaucoup plus sombres en dehors de ces trois thèmes principaux, comme pour la séquence où Stamphill et sa collègue Mary McCasslin vont visiter ensemble les cachots d'Alcatraz. Les cordes résonnent à ce moment d'une manière légèrement plus dissonante et plus torturé, comme pour évoquer l'enfer qu'a pu vivre Henri Young dans cet endroit inhumain. Ces moments plus sombres sont assez peu nombreux au cours de la partition, mais ils ont au moins le mérite d'être là afin de renforcer l'impact dramatique de la musique sur la terrible histoire de ce film.

 

A noter l'utilisation sombre et quasi religieuse du choeur (doublé par un violon) dans 'Adoramus Dei', renforçant une fois encore le côté sombre et dramatique de l'histoire (ici, par le biais d'une prière désespérée adressé à Dieu - une sorte de quête de la Rédemption pour Henri Young). A noter deux pistes à part dans ce score, 'Movietone News' et 'Suitcase Sally' qui interviennent dans deux séquences de média du film. Pour ces petites pièces amusantes, Young rompt avec l'ambinance lyrique et élégiaque de son score pour se tourner vers un style plus 'musique de médias américains des années 40/50'. Rien de bien indispensable même si ces deux morceaux nous proposent un sérieux contrepoids émotionnel au reste de la partition.

 

Après de nombreuses reprises des principaux thèmes tout au long du film, 'Back To The Rock' (retour de Henri Young à Alcatraz, même s'il considère avoir gagné ce procès) et le magnifique 'Redemption' concluent l'histoire de manière émouvante, le second morceau reprenant les principaux thèmes comme dans l'introduction du score.

A noter une nouvelle reprise particulièrement poignante du thème principal doublé par des choeurs élégiaques, un hymne ici à une victoire fraîchement acquise. Serein, Henri Young peut partir en paix, prêt à affronter la mort avec bravoure (il se suicidera dans sa cellule quelque temps après). Que d'émotions dans ce final bouleversant.
Il est regrettable que le superbe thème principal ne soit finalement pas plu présent que cela tout au long du film (il n'apparaît que 4 ou 5 fois en tout. Sur plus de deux heures de film, c'est un peu léger).

 

Quoiqu'il en soit, 'Murder In The First' est l'une des plus belles musiques que le compositeur nous

ait offert pour le cinéma américain, loin de ses sinistres partitions habituelles pour les thrillers et  les films d'horreur. Incontournable, ce score est aujourd'hui considéré comme l'un des grands classiques du compositeur, à découvrir si vous ne connaissez pas encore le Christopher Young de l'émotion et des drames !

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Analyse de Quentin Billard

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