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Photo - Rudy Kopl

 Soundtrack Collectors Quaterly

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02  I  Le Compositeur

Batteur,

collectionneur,

compositeur.

I

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C’est le 28 avril 1958 dans le New-Jersey, à Red Bank, qu’est né Christopher Young. Passionné très tôt par le jazz et ses icônes Buddy Rich et Stan Kenton, le jeune Young décide de devenir percussionniste et fait ses débuts dans des petits groupes locaux de rock et de jazz (coïncidence, Count Basie est né dans la même ville que Chris Young).

BIO.PART-02

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Convaincu de faire carrière comme batteur de jazz professionnel, il se perfectionne à la maîtrise de son instrument. A 15 ans, l’envie de composer le séduit et l’amène à écrire ses premières pièces de musique dans d’autres registres musicaux que la percussion.

Chris Young s’oriente très vite vers l’harmonie et la composition mélodique, mais il perçoit encore difficilement son avenir et le jeune musicien s’égare dans ses premières créations car il manque encore de technique...

 

Passionné de lecture fantastique et de science-fiction dès sa plus tendre enfance, il dévore des livres d’anticipation et surtout ceux de Jules Vernes dont l’un de ses favoris « Voyage au centre de la terre ».  

Jeune collectionneur de disques de musiques en tous genres, il achète un jour chez un disquaire une compilation d’œuvres de Bernard Herrmann, avec un vinyle de la marque Phase 4 regroupant les principales œuvres fantastiques conçues par le grand maître de musique de film, dont une suite intitulée « Voyage To The Center of the Earth » (1959), un film qu’il avait déjà vu auparavant mais dont il ne se souvenait plus. Emerveillé dès la première écoute, le jeune Young aspire à écrire un jour comme Bernard Herrmann. 

Dès lors, il étudie plus amplement les rapports étroits qui s’opèrent entre la musique d’Herrmann et les images de ses films et découvre peu à peu l’univers musical d’autres grands maîtres de la musique de film. Pourtant, c'est lorsque Young voit pour la première fois le film « The Wind and The Lion » (1975), merveilleusement mis en musique par un certain Jerry Goldsmith, que vient l’élément déclencheur de sa vocation. Soufflé par le style épique et puissant

de Goldsmith, Young sera définitivement conforté dans son choix de devenir

un vrai compositeur de musique de film.

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Trouvant peu à peu sa voix, Chris Young décide d’entrer à l’UCLA pour suivre

les cours de David Raksin mais vu son manque d’expérience dans ce domaine, il craignait de ne pas être accepté. Malgré quelques compositions assez académiques, Young ne fut pas accepté à l’université de Californie, ce qu’il vécu comme un drame personnel terrible. Il décida ensuite de se rabattre vers l’université du Texas Nord, en plein désert, afin d’intégrer le département musique qui avait une bonne réputation, une université particulièrement connue pour ses enseignements du jazz et des musiques de big band que Young

suivra avec grand intérêt. 

 

Après un an d’étude, le jeune Christopher passe son premier degré d’étude avec succès, ce qui lui permit ensuite de retourner à Los Angeles et d’entrer enfin dans la classe de composition du grand professeur David Raksin à l’UCLA, qui deviendra finalement l’un de ses premiers grands mentors. A l’université, le jeune Young passe plus de temps au département film que dans celui de la musique, mais à la première occasion, il se fait la main sur des films d’étudiants. Chris Young compose pour lui mais aussi pour de jeunes metteurs en scène  étudiants comme Tony Randel qu’il retrouvera ensuite après l’université chez Roger Corman à la New World Pictures. Après avoir signé les musiques d’une cinquantaine de films étudiants à l’UCLA, c’est au début des années 80 que Young signera ses premières compositions pour le cinéma, et notamment la série-B horrifique à petit budget « The Dorm That Dripped Blood » (aussi connu sous le titre

« Pranks ») de Stephen Carpenter et Jeffrey Obrow (1982), deux de ses jeunes collègues réalisateurs de l’université.

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A l’UCLA, Young se retrouve confronté avec d’autres étudiants candidats en composition qui visent à devenir un jour le nouveau Jerry Goldsmith. Il travaille dur et savoure chaque jour passé à l’université, profitant le plus possible des bons conseils de son professeur de composition David Raksin.

Ses deux premiers scores, « Pranks » et « The Power » (1984) s’avèrent osés et inventifs, et seront fortement remarqués à l’époque, mais la période qui suivi sa sortie d’université sera plutôt creuse. Young pensa même à un moment que sa carrière ne démarrerait pas vraiment.

Young doit en partie ses débuts grâce à Tony Randel, un jeune étudiant avec qui il collabora à l’UCLA, et qui l’invita à travailler pour lui à la New World Pictures.

Après avoir vu le film « The Power », second long-métrage du duo Stephen Carpenter/Jeffrey Obrow, Randel décida d’engager Young pour écrire les scores de ses prochains films et surtout celui de « Def-Con 4 » en 1985 et « Hellraiser II » en 1988. « The Power » reste une première étape décisive dans la jeune carrière de Young, car si le film a été largement malmené par les critiques, les professionnels ont acclamé de manière unanime la partition de Chris Young, le « Main Title » sera même réutilisé quelques années plus tard dans l’ouverture du film « Species » en 1995

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Mais c’est avec « Hellraiser » de Clive Barker en 1987 que Young signe enfin son premier score horrifique mémorable pour un grand film d’horreur, qui lui offre l’occasion de retravailler à nouveau avec la New World Pictures (Young y croise à nouveau Tony Randel, qui signe le montage du film avec Richard Marden). Partition gothique, torturée et ténébreuse, « Hellraiser » permet à Young de devenir la nouvelle référence des musiques horrifiques à Hollywood, surtout après « A Nightmare on Elm Street II » quelques années auparavant : moins frileux, les producteurs acceptent alors de lui confier la musique de films plus ambitieux : après le drame « Haunted Summer » (1988) et le film de guerre « Bat 21 » (1988), pour lequel Young rappelle qu’il maîtrise aussi l’électronique typique des années 80, le compositeur se voit confier la musique de « The Fly II » de Chris Walas en 1989, probablement l’une de ses meilleures partitions horrifiques de la fin des années 80. On continue aussi de lui confier régulièrement des films à suspense et des thrillers, incluant le méconnu « Hider in the House » de Matthew Patrick (1989) (le film n’est pas sorti aux USA, en particulier à cause des soucis financiers du studio Vestron Pictures).

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Grâce à ses premières partitions, Chris Young monte en grade et se fait rapidement remarquer dans la profession comme un compositeur à l’aise dans les musiques horrifiques à suspense avant-gardistes et sombres. Avec « A Nightmare on Elm Street II » en 1985, Young signe sa première partition horrifique mémorable après le coup d’essai modeste de « Pranks » (qui restait très impersonnel, et essentiellement calqué sur le style de Penderecki et Herrmann). Dès lors, Young est reconnu comme quelqu’un qui sait écrire de grandes musiques horrifiques/suspense, et aussi des partitions orchestrales d’action, genre très prisé à l’époque dans les années 80. N’hésitant pas à rendre hommage à Jerry Goldsmith (Young vénère sa partition monumentale pour « Planet of the Apes » de 1968), Young signe des partitions influencées pour le score de « Invaders from Mars » en 1986 (après un premier rejet de sa musique originale, expérimentale et innovante) ou les films d’action « Wheels of Fire » (1984) et « Getting Even » (1986). Une portion de ces deux scores sera même rachetée par le studio Midwich Entertainement et réutilisée dans une série de documentaires vidéos sur la Seconde Guerre Mondiale produits par Richard Jones dans les années 80, incluant « U-Boats : The Wolfpack » en 1987.Avec « Invaders from Mars », Chris Young travaille avec le studio de la Cannon Films du tandem Menahem Golan/Yoram Globus pour l’une de ses plus fameuses séries-B cheap de science-fiction que Young mis en musique dans les années 80. Après un premier score rejeté, jugé trop expérimental (Young y démontrait son amour pour la musique concrète inspirée des travaux de Pierre Henry et Pierre Schaeffer), Young reverra sa copie et sera contraint d’écrire une musique orchestrale mélodique avec un joli thème familial et un motif d’action inspiré du « Rambo II » de Jerry Goldsmith, qu’on lui demande alors souvent d’imiter à l’époque. Déçu par le rejet de sa musique, Young saisit la chance d’aller plus loin et signe une partition lyrique et sombre remarquable pour le thriller psychologique « Flowers in the Attic » de Jeffrey Bloom en 1987, adapté du livre de Virginia C. Andrews, et qui raconte l’histoire terrible de quatre enfants séquestrés par leur grand-mère tyrannique dans l’immense demeure familiale.

Les années 90 marquent l’ascension de Young dans les genres qu’il maîtrise parfaitement. Avec le thriller psychologique à l’humour noir macabre « The Vagrant » (1992), le compositeur retrouve Chris Walas après « The Fly II » et signe une partition complètement atypique et expérimentale, inspirée de la musique concrète des années 50/60 : l’œuvre est entièrement basée sur un mélange de sons de jouets, de clés à molette, de couvercles de poubelle, de castagnettes, de piano miniatures, de kalimba, de marimba, de souffles de voix, etc. Young ose tout et n’a pas peur d’aller dans des directions inattendues, à l’encontre des conventions hollywoodiennes : sa passion pour l’expérimentation paie et lui permettra de renouveler l’expérience sur d’autres projets à venir. Young signe un score d’action synthétique typique du début des années 90 avec « Rapid Fire », actionner bourrin mettant en scène le regretté Brandon Lee, censé imiter le style des films d’action asiatiques de l’ère au père de l’acteur Bruce Lee.

 

Mais c’est le thriller de Bruce Robinson « Jennifer 8 » qui marque un tournant décisif dans la carrière de Christopher Young. Malgré l’échec financier du film à sa sortie en salles en 1992, « Jennifer 8 » reste très remarqué pour la brillante partition mélodique et sinistre de Chris Young, en particulier grâce à son thème principal de piano assez inoubliable. Pour l’anecdote, les producteurs du film, connaissant peu Chris Young à l’époque, et échaudés par le renvoi de Maurice Jarre, étaient très inquiets à l’idée de débuter un thriller sur une mélodie mélancolique au piano. Et pourtant, le succès de ce thème sera tel qu’on demandera par la suite à Chris Young de s’en inspirer pour de futures partitions à suspense ! Après « Jennifer 8 », le compositeur se voit confier des thrillers et des films d’horreur de plus en plus ambitieux : « The Dark Half » en 1993, « Judicial Consent » en 1994, « Tales from the Hood » en 1995, « Species » en 1995,

« Virtuosity » en 1995, « Copycat » en 1995, « Unforgettable » en 1996, la comédie macabre « Head Above Water » en 1996 ou le thriller « Hush » en 1998, etc.

La carrière de Chris Young est définitivement lancée, et les projets se multiplient à grande vitesse, le compositeur allant même jusqu’à travailler sur quatre ou cinq films en une même année ! Young commence aussi à signer quelques musiques d’action après les essais plus timides de « Rapid Fire » ou « Getting Even » dans les années 80 : sa contribution à « Virtuosity » et surtout « Murder at 1600 » et l’excellent « Hard Rain » en 1998 (pour lequel il participe avec l’harmoniciste belge Toots Thielemans) montrent la facette plus musclée et testostéronée de Chris Young : en plus de maîtriser l’horreur et le suspense, Young dévoile avec ces films un goût sûr pour des musiques énergiques et brutales avec un sens aigu du rythme et des formules musicales : ostinatos rythmiques au gong, cuivres syncopés, changements rythmiques multiples, éléments électroniques, etc.
 

Bien souvent, on demande à Chris Young de reproduire ce qu’il a fait par le passé, ce qui explique que ses nombreuses partitions thriller des années 90 reproduisent bien souvent l’esthétique de « Jennifer 8 » et « Copycat », ses deux hits en la matière : « Copycat » marque par ailleurs les débuts majeurs de Chris Young avec le réalisateur Jon Amiel qui a lui-même étudié la musique, puisqu’il joue de la cithare et a même signé quelques musiques de scène. Mais la passion de Chris Young pour le genre est indéniable, et son goût pour les musiques macabres, sombres, avant-gardistes et dissonantes l’amènent à explorer toujours plus les tréfonds de l’âme humaine et les émotions les plus extrêmes, sans jamais lasser. Young parvient à varier les styles en s’intéressant d’un peu plus près au comédie avec notamment l’excellent « The Man Who Knew Too Little » en 1997, formidable hommage rendu aux musiques jazzy d’Henry Mancini, le film marquant par ailleurs les retrouvailles entre Chris Young et Jon Amiel.

Young montre aussi une facette plus lyrique et étonnamment poignante avec le drame carcéral « Murder in the First » en 1995, formidable pamphlet contre la maltraitance des prisonniers à Alcatraz, vaguement inspirée de l’histoire du prisonnier Henri Young qui tenta de s’échapper de la célèbre prison américaine à la fin des années 30. Les producteurs comprennent alors que Young n’est pas qu’un spécialiste du suspense, de l’horreur ou de l’action mais qu’il possède aussi une vraie sensibilité et un lyrisme personnel qui ne manque qu’à éclore sur des projets toujours plus ambitieux.

La suite de sa carrière est plus que jamais brillante : une musique jazzy/funky dans « Rounders » (1998), un score horrifique/gothique grandiose pour « Bless the Child » (2000), un mélange d’action et de suspense dans « Entrapment » (1999), une musique élégiaque et poignante pour « The Hurricane » (drame bouleversant inspiré de l’histoire vraie de Hurricane Carter, probablement l’une des plus terribles et révoltantes erreurs judiciaires de toute l’histoire des USA), des partitions funky urbaines pour « Set It Off » (1996) ou « In Too Deep » (1999), une musique intimiste pour « Sweet November » (2001), une partition épique et colossale pour « The Core » en 2003 et bien sûr de l’horreur avec les mémorables « The Exorcism of Emily Rose » (2005), « The Grudge » (2004) ou « Drag Me To Hell » (2009), qui permet à Chris Young de développer sa collaboration avec Sam Raimi après « The Gift » (2000) et avant « Spider-Man 3 » (2007).

 

Christopher Young est toujours aussi actif lorsqu'on le sollicite car le cinéma semble quelque peu oublier ce compositeur de talent. Véritable génie du suspense et de l’horreur musicale, Chris Young est aussi un grand collectionneur de disques de musique de film, de masques et de figurines en rapport avec le cinéma d’épouvante (Chris Young possèderait une importante collection d’autographes de grandes stars du cinéma horrifiques du passé). De plus, c’est aussi un grand pédagogue toujours désireux de transmettre sa passion aux autres, comme le fit de manière déterminante David Raksin à l’époque.

Outre de multiples colloques, interviews  et master-class, Young enseigne aussi la composition musicale l’USC depuis quelques années et fut le président pendant quelques années de la Film Music Society et du festival de musique de film de Madrid en Espagne.

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